Bonjour vieillesse

Un ouvrage pour s’arrêter sur le temps qui passe et l’âge qu’on prend, mais aussi pour rire de la sénescence. Pour anciens jeunes et futurs vieux.

Publié le 31 juillet 2006 Lecture : 3 minutes.

« Vous savez comment on appelle le curriculum vitae d’un vieux ? Des archives. » Dans la même veine, cette autre devinette : « Vous savez comment on s’aperçoit qu’on est vieux ? Quand, même bronzé, on reste moche. » Sévère, ce constat de la dégradation physique ? Vous n’avez encore rien lu ! « Jusqu’à 50 ans, je me sentais inusable, inoxydable. Je ne suis que biodégradable. » De réflexions plus caustiques les unes que les autres, Mon dernier cheveu noir. Avec quelques conseils aux anciens jeunes n’en manque pas. Un pied de nez au temps qui s’écoule trop vite et à la mort, mais aussi une réflexion juste et sensible sur la vieillesse.
Farceur irrévérencieux comme son défunt ami Pierre Desproges, Jean-Louis Fournier (67 ans), mêle ici – avec un humour aussi noir que ses cheveux sont blancs – pensées, aphorismes et anecdotes mordantes sur un processus implacable qu’il tourne en dérision : la sénescence. Compatissant, il prodigue également au lecteur vieillissant des conseils aussi avisés que cyniques tels que : « Sur votre nouvel agenda, n’écrivez plus le nom des amis de votre âge à l’encre mais au crayon. » Ou encore : « Consultez votre médecin avec modération. À force de chercher, il finira bien par vous trouver quelque chose. »
L’auteur, en évoquant son quotidien, mesure le décalage entre le jeune homme qu’il a été et le sexagénaire qu’il est devenu. Il confronte sa propre expérience de la vieillesse à l’image, si éloignée de la réalité, qu’il s’en faisait lorsqu’il avait encore l’insolence des vingt ans. Et puis, il y a les rides, la peau flasque, les taches de rouille, le corps en déclin, l’ultime cheveu noir… la nostalgie affleure, mais pas les regrets puisque l’automne a ses joies cachées que Jean-Louis Fournier découvre au fil des ans. À lui désormais les plaisirs de la maturité !
Car loin d’être une infamie, la vieillesse peut au contraire se vivre comme un épanouissement, mieux, comme une révélation, aussi bien morale que physique. C’est le temps de l’apaisement, de la sérénité. L’auteur montre qu’il a gagné en discernement et en raffinement comme lorsque, par exemple, il invite à dîner un vieil ami : « J’ai sorti le service en vieux Paris, l’argenterie de la grand-mère, des verres en baccarat XVIIIe. On a dîné aux bougies. On a commencé par un très vieux porto. Ensuite, un gigot d’agneau à l’ancienne avec un vieux bordeaux. […] Après, on a écouté un vieil enregistrement d’Armstrong […] en dégustant un cognac hors d’âge. Qui a dit que ce n’était pas bon de vieillir ? »
Un recueil aux vertus revigorantes composé de courts chapitres où l’on pioche à l’envi quelques vérités consolatrices et, surtout, où l’on se laisse volontiers persuader que, oui, on peut être vieux et heureux. Il fallait un tel ouvrage pour fêter le papy-boom à une époque où la sémantique n’ose plus guère utiliser le terme de « vieux », lui préférant les euphémismes politiquement corrects « seniors » ou troisième âge (voire quatrième). Tout comme l’avait célébré, en 2000, le ballet aquatique de la publicité d’Évian qui mettait en scène les papys et mamys nageurs – avec le même enthousiasme que celle, précédente, des bébés nageurs – en les montrant gais, en forme(s) et maillots de bain.
Dans une société qui cultive le jeunisme, et pendant que ses contemporains courent désespérément après leurs vertes années et se perdent dans cette quête à coups de bistouri et d’injections de Botox, Fournier, lui, accepte de vieillir (« un mot qui s’écrit avec deux ailes »)… pour le meilleur et pour le rire. Car, plus que la politesse du désespoir, quel meilleur élixir de jouvence que l’humour ? Un antidote contre la décrépitude, assurément.
À propos, « on ne dit pas une dame décrépie, mais décrépite ».

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