Arnault et les 40 milliardaires

Le classement 2006 des grosses fortunes françaises vient de paraître. On retrouve les grandes dynasties familiales en tête, mais talonnées par de nouveaux nababs.

Publié le 31 juillet 2006 Lecture : 4 minutes.

L’hebdomadaire Challenges profite de la période estivale pour publier son classement annuel des 500 plus grandes fortunes professionnelles de France. L’occasion de dresser un portrait de ces hommes – et quelques femmes : elles sont à peine six dans les cent premières places – qui font tourner la France d’aujourd’hui. Le cru 2006 de ce palmarès est en outre accompagné d’un sondage qui montre que les Français ont une appréciation très relative de la notion de richesse. Pour 31 % des personnes interrogées, un individu peut être considéré comme riche lorsque son revenu mensuel net se situe entre 1 000 et 3 000 euros. La tranche 3 000 à 5 000 euros remporte 28 % des suffrages et, à l’autre bout de l’échelle, 3 % seulement considèrent qu’un riche est celui qui gagne plus de 100 000 euros par mois. C’est bien peu, toutes proportions gardées, si l’on rappelle que le salaire minimum dans ce pays, le Smic, est de 15 000 euros brut par an, soit un millier d’euros net par mois (la rémunération de 17 % des salariés, soit environ 3 millions de personnes).
L’évaluation du patrimoine des riches par les Français interrogés par l’institut CSA pour Challenges recèle une autre surprise : est considéré comme fortuné celui qui possède 481 664 euros de biens immobiliers, comptes épargne et autres actions en Bourse. Ce montant, lui non plus, n’est pas très élevé. Il correspond au prix d’un appartement de 60 m2 environ dans le très chic 16e arrondissement de Paris Il est également à des années-lumière des 17,2 milliards d’euros que possède l’homme le plus riche de France, Bernard Arnault. Les autres réponses au sondage n’ont donc rien d’étonnant puisque les Français, finalement, ne savent pas ce qu’est « être riche ». Ils sont ainsi 71 % à éprouver de l’indifférence (et 15 % seulement de l’envie) à l’égard des nantis. Et 49 % à penser que les personnes qui ont fait fortune l’ont mérité par leur travail et leurs compétences. Les résultats de ce sondage permettent également de mieux comprendre la forte participation des Français aux jeux de type Loto ou PMU : gagner 50 millions d’euros au super-tirage est un objectif forcément magique si l’on ne mesure pas à quoi correspond une telle somme.
Pourtant, 50 millions d’euros – de quoi acheter une bonne centaine d’appartements de 60 m2 à Paris – est le montant minimal pour entrer dans le classement des 500 plus grandes fortunes de France. C’est quatre fois plus qu’il y a dix ans. L’hebdomadaire Challenges attribue cette dernière place à deux frères, Gilbert et Jean-Louis Costes. Sous ce nom, ils ont ouvert leur premier café à Beaubourg en 1984. Sur le succès de cet endroit branché, décoré par le designer en vogue Philippe Starck, ils ont progressivement bâti leur groupe dans l’hôtellerie et la restauration, acquérant notamment le prestigieux Restaurant Ruc, face à la Comédie-Française, puis le Café Marly, au Louvre. Au total, en propriété directe ou via des participations, ils règnent sur une quarantaine d’illustres établissements.
Pour trouver deux fois plus riches qu’eux, il faut atteindre la 276e place du classement, où 26 fortunes sont ex aequo avec un patrimoine de 100 millions d’euros. Y figure notamment la famille de Laurence Parisot, présidente du patronat français, le Medef. Fabricant de meubles, fournisseur des grandes enseignes que sont But et Conforama, la famille Parisot est tout de même dix-sept fois moins riche que celle de son prédécesseur au Medef, Ernest-Antoine Seillière : la famille Wendel, qui arrive en 20e position, avec un patrimoine de 1 727 millions d’euros. Les Wendel, Seillière, Schneider et Demachy qui la composent possèdent 35 % d’un holding qui contrôle notamment Bureau Veritas et l’équipementier électrique Legrand. Ils font donc partie des milliardaires français, un club dont le plus modeste des membres, avec une fortune de 1 milliard d’euros, est le Franco-Libanais Jacques Saadé (38e), devenu numéro trois mondial du transport maritime par conteneurs depuis qu’il a repris l’armateur Delmas à Vincent Bolloré. Ce dernier a pour sa part multiplié les opérations fructueuses, ce qui lui a permis de remonter de cinq places dans le classement 2006, arrivant ainsi 17e avec une fortune de 2,2 milliards d’euros.
La barre des 2 milliards d’euros est franchie avec le 19e du classement, Alain Wertheimer, propriétaire de la griffe de luxe Chanel. Huit personnes ou familles figurent dans ce peloton des 2 à 3 milliards d’euros, dont les frères Martin et Olivier Bouygues (12e, avec 2,7 milliards d’euros), qui détiennent 18,5 % du capital du géant du BTP qui porte leur nom. Y figure également Romain Zaleski (13e, 2,7 milliards d’euros), propriétaire de 13 % du groupe minier Eramet. Sa filiale Comilog, qui exploite notamment un gisement de manganèse au Gabon, est également un géant au chiffre d’affaires de 297 millions d’euros. Enfin, onze personnes affichent une fortune supérieure à 3 milliards d’euros, ce qui représente l’équivalent du Produit intérieur brut (PIB, la richesse réalisée en un an par un pays) de la Guinée (9,4 millions d’habitants) Et les trois premiers dépassent les 10 milliards d’euros, deux fois le PIB du Burkina Faso (13 millions de personnes).
Mais tout est relatif. L’homme le plus riche de France n’arrive que 7e dans le monde, d’après Forbes, un autre magazine économique, américain celui-là. Bernard Arnault, sa maroquinerie Vuitton et son champagne Moët et Chandon se retrouvent entre le prince saoudien Al-Walid (8e, 15,8 milliards d’euros) et Paul Allen (6e, 17,3 milliards d’euros), l’un des fondateurs du géant des logiciels, Microsoft. Encore ce dernier est-il 2,3 fois moins riche que son camarade des débuts et numéro un mondial de longue date, Bill Gates, dont la fortune est évaluée à 50 milliards de dollars (39,4 milliards d’euros). Celui-ci, on le sait, a créé une fondation qui, depuis 2000, a déjà dépensé près de 10 milliards de dollars dans les pays du Sud, en particulier pour vacciner 55 millions d’enfants. Avec son épouse Melinda, Bill Gates veut consacrer 95 % de sa fortune à la lutte contre les maladies et l’analphabétisme. Si tel était le cas, il ne posséderait alors plus que 500 millions de dollars (395 millions d’euros) Ce qui reste un montant astronomique pour chacun de nous !

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