Anouar Benmalek : le bonheur malgré tout

L’écrivain algéro-français offre ici neuf textes courts et denses traversés à la fois par la peine de vivre et la joie d’être au monde.

Publié le 31 juillet 2006 Lecture : 2 minutes.

Anouar Benmalek aime les métaphores sportives. Quand il écrit, il parle de « distances ». De son dernier recueil de nouvelles, L’Année de la putain, il dit que « c’est plusieurs 100 mètres renouvelés ». « La distance au long cours, c’est le roman, qui peut prendre deux à trois ans. Comme ça tourne presque à la monomanie, je prends une respiration avec quelque chose de plus court : j’écris des nouvelles qui s’accumulent et finissent par former un recueil. Je parle de choses dont, si j’avais le courage, je ferais des romans ! » Après sa dernière uvre romanesque (Ce jour viendra) et des poèmes (Ma planète me monte à la tête), l’écrivain algéro-français offre ici neuf écrits courts et denses, traversés à la fois par la peine de vivre et la joie d’être au monde.
Trois nouvelles ont pour cadre l’Algérie et deux d’entre elles se déroulent en pleine guerre d’indépendance, un épisode dont l’écrivain parlait déjà dans son très beau livre Les Amants désunis (prix Rachid-Mimouni 1999). « Cette guerre est révélatrice de silences terribles des deux côtés. Soit on n’en parle pas, soit on la magnifie. Cette guerre n’a pas été suffisamment traitée du point de vue de la réalité. Il ne faut pas oublier que ce sont des gens normaux qui ont participé à la barbarie. » Ainsi, dans la nouvelle « Faroudja », une mère se retrouve prise au piège avec ses deux enfants, après le bombardement de son village, et commet l’infanticide. Et dans « L’enfant du ksar », un petit garçon de 5 ans quitte brutalement le monde de l’enfance pour celui de la guerre et de la trahison, lorsqu’une garnison française s’installe à proximité de son village.
Anouar Benmalek décrit la violence psychique, qui conduit à la lisière de la folie, mais aussi la violence physique. « Je parle avec précision de la violence car je refuse de la théoriser. Il ne faut pas oublier qu’elle s’exerce sur des êtres de chair et de sang et que c’est en cela qu’elle est inacceptable et que c’est le plus grand des scandales. J’étais présent à Beyrouth pendant la guerre civile et je me suis rendu compte à quel point, vue de loin, elle ne semble toucher que des entités abstraites, les gens des journaux télévisés. En réalité, la guerre touche des gens ordinaires. »
Anouar Benmalek, né en 1956 à Casablanca d’une mère marocaine et d’un père algérien, fredonne aujourd’hui qu’il a « deux amours » : les maths et la littérature. Après une maîtrise en mathématiques à Constantine et un doctorat à Kiev (Ukraine), il a été professeur à l’Université des sciences et techniques d’Alger. Il est actuellement maître de conférences à l’université Paris-XI. Le goût de l’écriture lui est venu le temps d’une amourette : « Pendant mon doctorat, j’ai eu le béguin pour une fille qui disait savoir peindre et parler le sanscrit Pour attirer son attention, je me suis mis à écrire de la poésie. Ensuite, j’ai appris qu’elle était totalement mythomane, mais je lui suis reconnaissant de m’avoir menti ! »
Il a affûté sa plume lorsqu’il était chroniqueur pour l’hebdomadaire Algérie Actualité, et a publié ses textes en 2003 sous le titre Chroniques de l’Algérie amère. Secrétaire général du Comité algérien contre la torture de 1988 à 1991, il quitte l’Algérie à cette date, menacé par les islamistes, comme de nombreux intellectuels à l’époque.

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