[Tribune] Algérie-Afrique : le défi de l’intégration
Au contraire du Maroc et de la Tunisie, l’Algérie reste isolée sur le continent africain. Pour l’analyste économique Alexandre Kateb, il manque une vision stratégique, associant les pouvoirs publics et les entreprises, et une feuille de route pour réaliser cette vision.
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Alexandre Kateb
Diplômé de l’Ecole Centrale Paris et de Sciences Po Paris, Alexandre Kateb dirige le cabinet de conseil et d’analyse COMPETENCE FINANCE.
Publié le 31 mai 2018 Lecture : 3 minutes.
Tribune. Par son histoire et les liens profonds qu’elle a su tisser avec les différents pays africains à l’époque des luttes anticoloniales, du Mouvement des non-alignés et de la lutte contre l’apartheid, l’Algérie jouit d’un capital diplomatique important sur le continent. Son influence politique au sein de l’Union africaine en témoigne.
Abonnés absents
Mais sur le plan économique, l’Algérie, quatrième PIB africain, est aux abonnés absents. Les entreprises algériennes ne parviennent pas à sortir des frontières nationales, à quelques exceptions près. Ce paradoxe s’explique par un modèle de développement introverti fondé sur le recyclage de la rente pétrolière à travers la dépense publique, et sur un strict contrôle des capitaux.
Grâce à la manne des hydrocarbures, l’Algérie a en effet investi, en vingt ans, plus d’un demi-trillion de dollars dans les infrastructures. La croissance a été portée par la construction, qui représente 15 % du PIB, l’agriculture, le commerce et les télécommunications.
Mais si les hydrocarbures représentent toujours 95 % des exportations et 60 % des recettes budgétaires, deux tiers du PIB sont désormais générés par des entreprises privées. Parmi elles figurent des dizaines de grands groupes familiaux (Cevital, ETRHB, Arcofina, Benhamadi, etc.), actifs dans les travaux publics, l’agroalimentaire, les transports et la logistique, la grande distribution, l’immobilier, l’électronique et d’autres secteurs.
Vulnérabilité économique
Le contre-choc pétrolier de juin 2014 a mis en évidence la vulnérabilité du modèle économique prévalant et la nécessité de chercher de nouveaux relais de croissance. Avec une population qui s’urbanise rapidement et qui doublera à l’horizon 2040, et d’énormes besoins d’investissements en énergie et en infrastructures, estimés à 150 milliards de dollars par an, le continent africain intéresse particulièrement les grands groupes algériens.
De leur côté, les entreprises du secteur des biens de consommation (alimentation et produits pharmaceutiques, électroménager, etc.) cherchent à profiter de l’essor des classes moyennes africaines.
Le forum africain organisé à Alger en décembre 2016 par le ministère des Affaires étrangères et par le Forum des chefs d’entreprise (FCE) a accueilli plus de 3 000 participants et a posé les jalons de futurs partenariats. La Banque africaine de développement a, quant à elle, organisé en septembre 2017 un exercice de prospective avec le géant public Sonelgaz, et s’est dite prête à l’accompagner sur le continent.
Il manque une vision stratégique et une feuille de route
La création d’un comptoir commercial algéro-ivoirien, la multiplication des forums d’affaires bilatéraux et des missions conduites par le FCE ou par la Chambre algérienne de commerce et d’industrie (Caci) témoignent d’un regain d’intérêt pour l’Afrique subsaharienne, autrefois négligée au profit de l’ensemble euroméditerranéen.
Mais si l’Algérie a signé un accord d’association avec l’Union européenne et adhéré à la Grande Zone arabe de libre-échange (GZALE), elle reste isolée sur le continent africain. Ses voisins, eux, n’ont pas attendu. Le Maroc souhaite adhérer à la Cedeao, et la Tunisie est devenue membre du Comesa.
Efforts en cours et attendus
L’Algérie est, certes, partie prenante de la Zone de libre-échange continentale (Zlec), mais cette dernière n’est guère plus, à ce stade, qu’une plateforme de dialogue entre blocs sous-régionaux.
Il manque une vision stratégique, associant les pouvoirs publics et les entreprises, et une feuille de route pour réaliser cette vision. L’Algérie pourrait s’appuyer sur l’Union africaine et son Agenda 2063, en lui assignant un contenu beaucoup plus « business », centré sur des projets concrets dans l’énergie, les infrastructures, l’agro-industrie et le numérique.
La BAD, la BID et d’autres organisations comme l’Afreximbank, ainsi que de tierces parties comme l’Union européenne ou la Chine, pourraient y être associées. La connectivité physique, réalisée grâce au futur Port Centre, à la route transsaharienne et au hub de Tamanrasset, constitue un atout important dans ce contexte.
Mais, in fine, la capacité de l’Algérie à participer à l’intégration africaine dépendra surtout de son aptitude à opérer la mue de son économie et à permettre à ses entreprises de sortir de ses frontières.
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