Adama Dieng

Greffier du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR)

Publié le 1 août 2006 Lecture : 3 minutes.

Sous-secrétaire général de l’Organisation des Nations unies, Adama Dieng cumule cette fonction, depuis le 1er mars 2001, avec celle de greffier du TPIR. Ce juriste sénégalais de 56 ans, qui a débuté sa carrière en 1973 dans les tribunaux régionaux et du travail de son pays, a gravi les échelons jusqu’à la Cour suprême du Sénégal. Avant d’intégrer en 1982 la Commission internationale de juristes de Genève, qu’il dirigera de 1990 à 2000.

Jeune Afrique : Quel est l’objet de la visite que vous avez effectuée à Paris du 20 au 22 juillet ?
Adama Dieng : Nous avions d’importantes séances de travail avec la direction des affaires juridiques du Quai d’Orsay, qui avait un triple objectif : trouver un lieu d’asile pour André Ntagerura, l’ancien ministre du Transport rwandais relâché par le TPIR ; obtenir le témoignage – sollicité par des avocats de la défense – d’officiers français présents au Rwanda au moment du génocide ; et amener la France à poursuivre trois suspects réfugiés sur son territoire pour échapper au TPIR Sur toutes ces questions, nous avons trouvé une oreille attentive chez nos interlocuteurs.

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Les personnalités relâchées par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) rentrent comme des héros dans leur pays. Pourquoi les acquittés du TPIR ne peuvent-ils pas retourner au Rwanda ?
Parce qu’ils y courent des risques. Le Rwanda conteste certaines de nos décisions. Mais les rapports entre Kigali et le TPIR vont en s’améliorant. On peut même les qualifier d’excellents depuis deux ans. Le temps où les associations de victimes dissuadaient les témoins de venir comparaître à Arusha est révolu.

Les victimes ont de réelles raisons d’être frustrées, étant moins bien traitées que leurs bourreaux, qui bénéficient de soins de santé et de conditions de détention plus que clémentes
Cela était vrai mais ne l’est plus. Aujourd’hui, les victimes du VIH-sida sont traitées comme le sont les accusés que nous détenons. Une clinique a été construite à Kigali pour leur dispenser des soins médicaux et psychologiques. Les témoins sont protégés ad vitam aeternam. Certains d’entre eux qui se sentaient menacés ont été relocalisés à l’intérieur du Rwanda, ou dans d’autres pays, comme l’Afrique du Sud.
Quant au centre de détention du TPIR, il constitue l’unique prison de l’ONU dans le monde. À ce titre, il doit servir de modèle pour les États, montrer comment l’univers carcéral doit être conçu pour respecter la dignité des détenus. Il faut ajouter, pour lever tout malentendu, que la prison du TPIR n’abrite que des personnes en attente de jugement. Les condamnés purgent leurs peines dans des établissements au Mali, au Bénin, au Swaziland, en Italie, en France et en Suède.

On reproche également au TPIR d’avoir jugé très peu de personnes depuis sa création, le 8 novembre 1994.
C’est seulement en mai 1996 que le premier accusé a été transféré au TPIR. Sur la centaine de personnes que celui-ci devait juger, 72 ont été arrêtées, dont 60 détenues à Arusha. Dix-huit suspects sont en fuite. Sur 28 accusés, 25 d’entre eux ont été condamnés, et les 3 autres ont été acquittés. Afin de boucler tous les dossiers à la fin 2008, le tribunal a besoin de la coopération des États pour arrêter les fugitifs, en juger quelques-uns à la demande du procureur du TPIR, contribuer à apporter les ressources nécessaires

Le TPIR est accusé de disposer de ressources trop importantes. Certains parlent même de gâchis
N’exagérons rien. Depuis sa création, le TPIR a coûté environ 1 milliard de dollars, soit 125 millions de dollars par an. Ce qui est modique pour une institution de ce type. Le TPIY coûte quatre à cinq fois plus cher. Le procès de Lockerbie, qui jugeait 3 accusés, a mobilisé plus de 110 millions de dollars.

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Qu’adviendra-t-il une fois les dossiers du TPIR bouclés, fin 2008 ?
La justice continuera de suivre son cours. Tous les jugements du TPIR ont été frappés d’appel, sauf trois. Prévus pour commencer début 2009, les procès en appel sont censés se terminer en 2010. Une échéance qui ne sera pas tenue par la chambre d’appel commune au TPIR et au TPIY. Celle-ci a en effet admis ne pas pouvoir épuiser ses dossiers d’ici à fin 2008.

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