L’œil de Glez : au Kenya, contrôler les « fake news »… et plus si affinités
La nouvelle loi kenyane contre la cybercriminalité cible les « fake news » mais apparaît, aux yeux de certains, comme une atteinte à la liberté d’expression.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 22 mai 2018 Lecture : 2 minutes.
La parole ne se libère jamais de façon continue et irréversible. Lorsqu’elle dérape, elle est appelée à être encadrée ou censurée, légitimement ou abusivement. À l’heure où la hiérarchisation des informations médiatiques homologuées est mise à mal par la diarrhée numérique des réseaux sociaux, fleurissent des informations délibérément fausses ou truquées qu’on nomme « fake news ». Symptôme de l’époque, celles-ci offrent à Donald Trump des alibis gratuits pour dynamiter les critiques, même quand la dénonciation de la fake news en devient une elle-même. Certains États organisent un contrôle des fausses nouvelles, comme en France où la loi initiée par Emmanuel Macron devrait autoriser un juge à déréférencer un site sous 48 heures.
Jusqu’à dix ans de prison
L’Afrique n’est pas à la traîne, ni dans l’accouchement des fake news, ni dans leur encadrement. La semaine dernière, le président kenyan Uhuru Kenyatta ratifiait une nouvelle loi contre la cybercriminalité qui prévoit notamment des amendes et des peines de prison pour piratage informatique, fraude sur ordinateur, falsification de données, cyberespionnage, harcèlement en ligne, pédopornographie ou toute mise en ligne de contenu pornographique.
La loi impose une amende de 50 000 dollars et une peine éventuelle de deux ans de prison, pouvant atteindre dix années
Les nouvelles dispositions concernent aussi la création et la diffusion de fausses informations, techniques d’intoxication réputées avoir joué un rôle important dans la perturbation des élections de 2017.
>>> A LIRE – Élections au Kenya : le phénomène inquiétant des « fake news »
Mais la loi inquiète la société civile. Elle impose une amende de 50 000 dollars et une peine éventuelle de deux ans de prison aux personnes qui propagent des fake news par voie électronique. Si les fausses informations s’avéraient « destinées à créer, ou ayant pour résultat, la panique, le chaos ou la violence » ou de nature à « porter atteinte à la réputation d’une personne », la peine pourrait atteindre dix ans de prison.
La loi ne risque-t-elle pas de cibler des journalistes du web, et surtout des blogueurs ?
Vers une censure des médias ?
La loi ne risque-t-elle pas de cibler des journalistes du web – et surtout des blogueurs – qui se tromperaient, de bonne foi, ou qui auraient du mal à prouver des informations pourtant avérées ? De par le monde, des défenseurs de la liberté de la presse comme l’américain « Comité pour la protection des journalistes » (CPJ), le britannique « Article 19 » ou l’international « Human Rights Watch » ont déjà exprimé leurs inquiétudes pour la liberté de la presse au Kenya.
Ils rappellent que la tentation de la censure avait déjà point, au niveau des chaînes de télévision, en janvier, lors de l’investiture symbolique de Raila Odinga. Une sorte de « fake investiture », d’un certain point de vue…
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