Algérie : la révision du règlement intérieur de l’Assemblée suscite la polémique
Le texte, présenté le 21 mai en plénière, est critiqué par les partis de l’opposition algérienne. Ces derniers dénoncent une tentative de vouloir « verrouiller la parole du Parlement » contre un éventuel cinquième mandat de Abdelaziz Bouteflika.
C’est un projet de texte qui fait couler beaucoup d’encre. Lundi 21 mai, la commission des affaires juridiques et sociales de l’Assemblée populaire nationale (APN) a présenté en plénière un projet de révision du règlement interne de l’Assemblée algérienne. Préparé dans la plus grande discrétion depuis décembre dernier, le nouveau texte vise à « se conformer aux nouvelles exigences de la Constitution de 2016 et combler certains vides juridiques relatifs à l’exercice de la fonction de député », selon la présidence de l’Assemblée.
Mais le contenu, qui doit encore être adopté à une date non fixée, n’est pas du goût des députés de l’opposition. Ces derniers dénoncent même « une tentative de verrouiller la parole du Parlement contre un éventuel cinquième mandat de Abdelaziz Bouteflika ».
• Au président, tu ne toucheras point !
Parmi les articles contestés se placent en pole position ceux limitant la liberté d’expression et les prérogatives inhérentes au contrôle de l’action du gouvernement. En vertu de l’article 76 de ce projet, il est ainsi interdit de porter atteinte à l’image ou la personne du président de la République ainsi qu’aux symboles de la Nation, comme le drapeau national. De la même manière, les députés n’ont pas le droit de saisir le Conseil constitutionnel sur des projets de loi inconstitutionnels ou ambigus, comme l’autorise pourtant la Constitution.
Autre disposition contestée : pour initier un débat général autour d’un dossier d’actualité, il faudrait réunir au moins les signatures de 60 députés alors que 20 suffisent dans le règlement en vigueur. En 2011, en pleine contestation populaire contre l’augmentation des produits de base – dans le sillage des révolutions arabes -, les députés avaient pu initier un débat général dans l’hémicycle après avoir réuni 20 signatures uniquement.
Toujours dans le cadre de cette révision du règlement, il est impossible de créer une commission d’enquête parlementaire sans l’aval du bureau de l’APN et aucun délai n’est fixé aux membres du gouvernement pour répondre aux questions écrites et orales. Pourtant, la Constitution de 2016 astreint le ministre interpellé à donner ses explications au plus tard au bout de 30 jours. « Le Parlement censure ses propres députés », tempête Djelloul Djoudi, chef du groupe du Parti des travailleurs (PT, opposition). « L’APN se ferme aux débats libres et consacre sa soumission à l’Éxécutif », enchaîne Othmane Mazzouz, du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD, opposition).
• Fin de la transhumance
Le document met aussi fin au nomadisme à travers la déchéance, de plein droit, du mandat effectif de tout élu qui changerait de parti politique. Bien que le principe soit louable, il déclenche d’ores et déjà une opposition chez les élus, tant le phénomène de la transhumance a la peau dure.
Les députés transfuges, particulièrement entre le Front de libération nationale (FLN) et le Rassemblement national démocratique (RND), le duo au pouvoir, sont tellement nombreux que ces deux partis sont surnommés « les vases communicants » par leurs collègues au Parlement.
Les partis de l’opposition ne sont pas non plus épargnés. À la fin de la législature (1997-2002), le groupe parlementaire du Front des forces socialistes (FFS, opposition) avait ainsi perdu neuf de ses élus, dont des membres influents du parti. À la même époque, le PT avait perdu onze élus, qui refusaient de verser la moitié de leur salaire à la caisse de cette formation politique.
• Absents, l’Assemblée vous aura à l’œil !
La mouture du projet de règlement intérieur de l’APN consacre deux articles (68 et 69) au phénomène de l’absentéisme, aussi bien lors des séances plénières que dans les réunions des commissions permanentes. Selon cette proposition de révision, le député sera sanctionné d’un avertissement écrit et d’une ponction sur l’indemnité parlementaire, équivalente aux jours d’absence cumulés et non justifiés. « Il ne manquait qu’à exiger de nous faire accompagner par un tuteur… », peste Lakhdar Benkhellaf, président du groupe parlementaire de l’Alliance « Nahda-Adala-Bina » (islamiste).
À plusieurs reprises, le Parlement a dû en effet reporter les votes de différents projets de loi, faute de quorum exigé (232 députés sur 462). Le 24 juin 2016, par exemple, le vote de quatre projets de loi avait été reporté de trois jours. La sonnerie invitant les députés à rejoindre la plénière avait retenti de 10 h du matin jusqu’à 14 h 30, sans succès. Cette journée de vote ayant coïncidé avec un week-end en plein Ramadan, les élus de la nation n’avaient pas jugé bon de se déplacer.
C’est sur le chapitre de l’absentéisme que les députés de la majorité parlementaire (FLN et RND principalement) se sont nettement prononcés. Le président du groupe parlementaire du RND, Belabbes Belabbes, a rappelé que lesdits articles sont conformes à la Constitution de 2016. Pour lui, il n’était cependant pas nécessaire de formaliser l’absentéisme dans un règlement interne ou de le soumettre à des sanctions. D’ailleurs, la majorité des amendements déposés par les parlementaires demandent l’assouplissement des mesures disciplinaires en cas d’absentéisme et surtout que cela n’affecte pas leurs indemnités.
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