Cameroun : l’ambassadeur américain convoqué après avoir critiqué la gestion de la crise anglophone

Le ministre des Affaires étrangères, Lejeune Mbella Mbella, a fait convoqué Peter Henry Barlerin pour une « mise au point » suite à des propos portant à la fois sur la gestion de la crise anglophone par les forces de sécurité et la longévité de Paul Biya au pouvoir.

Peter Henry Barlerin est ambassadeur des Etats-unis au Cameroun après avoir été le directeur des affaires économiques et régionales au sein du bureau Afrique du Département d’État américain. © DR

Peter Henry Barlerin est ambassadeur des Etats-unis au Cameroun après avoir été le directeur des affaires économiques et régionales au sein du bureau Afrique du Département d’État américain. © DR

Publié le 23 mai 2018 Lecture : 3 minutes.

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Cameroun : les véritables victimes de la crise anglophone

La crise qui sévit dans les régions anglophone du Cameroun depuis plus d’un an, qui voit des violences récurrentes entre sécessionnistes armés et forces gouvernementales, ne faiblit pas. De l’Église aux entreprises en passant par les populations, le point sur les victimes et conséquences de ce conflit qui s’installe dans la durée.

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Selon plusieurs sources diplomatiques et gouvernementales, l’ambassadeur des États-Unis au Cameroun, Peter Henry Barlerin, a été convoqué par le ministre camerounais des Affaires étrangères, Lejeune Mbella Mbella, après ses propos critiques sur la longévité au pouvoir du chef de l’État camerounais Paul Biya et sur la gestion de la crise anglophone.  La teneur de leurs échanges n’a pas encore filtré.

Infantilisation de la nation camerounaise

Dans un communiqué de presse publié sur le site de l’ambassade américaine à Yaoundé au sortir d’un entretien avec le président Paul Biya, le 17 mai dernier, le représentant américain avait dénoncé une « politique d’assassinats ciblés », d’« arrestations sans accès à un avocat, à la famille ou à la Croix-rouge », ainsi que pointé l’existence de « villages incendiés et pillés par le gouvernement dans la zone anglophone ». L’ambassadeur avait également dénoncé, dans le même texte, les violences des séparatistes, soulignant notamment les « meurtres de gendarmes, enlèvements de fonctionnaires et incendies d’écoles ».

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Concernant les élections qui doivent se tenir en octobre 2018, l’ambassadeur Barlerin a encouragé le président Biya – au pouvoir depuis 1982, et qui ne s’est pas, jusqu’à maintenant, déclaré candidat à sa succession – à « penser à son héritage et à la façon dont il souhaite que les livres d’Histoire, qui seront lus pas les générations futures, se souviennent de lui ». Il lui a également suggéré de prendre exemple sur George Washington et Nelson Mandela‎. 

Deux prises de position qui ont suscité l’ire des autorités de Yaoundé. Le porte-parole du gouvernement camerounais, Issa Tchiroma Bakary, a ainsi dénoncé « l’infantilisation de la nation camerounaise ».

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Une critique récurrente

Ce n’est pas la première fois que le gouvernement camerounais essuie des critiques au sujet de sa gestion de la crise dans la zone anglophone. Le département d’État américain, dans son rapport 2017 sur les pratiques en matière de droits de l’homme au Cameroun, publié le 20 avril dernier, faisait déjà état d’exactions commises par les forces de sécurité camerounaises.

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D’après la diplomatie américaine, les forces militaires, policières et de gendarmerie ont multiplié arrestations et exécutions arbitraires, usé de la torture et se sont rendues coupables de disparitions forcées. Le rapport pointait également des détentions au secret prolongées. Autant de méthode utilisées, selon le Département d’État américain, aussi bien dans la lutte contre Boko Haram que face aux indépendantistes anglophones.

« Le Cameroun a fait d’importants efforts pour former et améliorer ses forces armées au cours des sept à huit dernières années et de réels progrès ont été réalisés. Toutefois, les accusations de violations des droits humains sont récurrentes », observe Joseph Siegle, directeur de la recherche du Centre d’Études Stratégiques sur l’Afrique, un think-tank américain.

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L’Union européenne s’était elle aussi émue, au mois de février, de l’action des Forces de défense et de sécurité camerounaises dans la zone anglophone. « Le recours à la violence ne peut permettre d’atteindre des objectifs politiques. Il reste essentiel que les forces de sécurité fassent un usage proportionné de la force dans l’exercice de leurs fonctions », avait déclaré au sujet de la situation dans l’Ouest du Cameroun Catherine Ray, porte-parole du Service extérieur de l’Union européenne.

Le politologue camerounais Germain-Hervé Mbia Yebega, chercheur associé au GRIP (Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité), avance pour sa part une explication à la « fermeté » du gouvernement camerounais : « Les paradigmes structurants de l’État au Cameroun reposent sur l’intégrité territoriale et l’unité nationale. Le mouvement séparatiste anglophone suppose le franchissement de ces deux lignes rouges. »

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