Des invités au-dessus de tout soupçon

Onze pays d’Afrique et du Moyen-Orient ont été conviés par Washington à Sea Island. Tous partenaires privilégiés ou alliés des États-Unis.

Publié le 1 juin 2004 Lecture : 3 minutes.

George W. Bush aura attendu la dernière minute, soit trois semaines avant la tenue du sommet des pays du G8, pour convier l’Afrique au rendez-vous annuel des nations les plus riches. Le 18 mai, la Maison Blanche a annoncé qu’elle invitait six pays africains à participer à celui qui se tiendra – présidence américaine oblige – à Sea Island, dans l’État de Géorgie, du 8 au 10 juin. George W. Bush avait pourtant assuré à la fin du sommet du G8 d’Évian (sud-est de la France), en juin 2003, que le continent n’aurait certainement pas sa place dans les débats, alors qu’il y avait été associé lors des éditions italienne (2001), canadienne (2002) et française (2003).
« Cette décision montre la force du G8 comme instance collective », explique John Kirton, professeur de relations internationales à Toronto et directeur du centre de recherches sur le G8. « Même les États-Unis, hôtes du sommet et donc censés pouvoir inviter ceux qu’ils désirent, se sont sentis obligés de s’inscrire dans la démarche de leurs homologues en continuant à demander la présence des Africains et en inscrivant les questions de développement à l’ordre du jour. »
Cette année, ce sont encore les quatre porte-drapeau du Nepad (Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique) qui seront présents (Afrique du Sud, Algérie, Nigeria, Sénégal). Comme le souligne le porte-parole de la Maison Blanche, « les pays invités sont les leaders d’initiatives soutenues par les États-Unis et les autres pays du G8 ». À leurs côtés, George W. Bush a également invité deux outsiders, traditionnellement plus proches des Anglo-Saxons : le Ghana et l’Ouganda. Président en exercice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et, surtout, chef d’un État considéré depuis quelques années comme un modèle de démocratie et de progrès vers le développement, le Ghanéen John Agyekum Kufuor, plus que jamais « chouchou des États-Unis », fait ainsi son entrée dans la cour des grands, fruit de son engagement de longue date en faveur des principes du libre-échange et de la promotion du secteur privé.
Quant à l’Ouganda, partenaire dans la lutte contre le terrorisme et chantre de l’économie de marché, il garde encore une place privilégiée dans le coeur des Américains, acquise depuis l’arrivée de Yoweri Museveni au pouvoir, en 1986, et renouvelée par la visite de ce dernier à Washington, en juin 2003.
En lançant ces invitations de dernière minute et en inscrivant les enjeux de santé, de paix et de financement du développement durable en Afrique à l’ordre du jour, Bush tient-il à faire bonne figure et montrer que « son » G8 ne s’intéressera pas seulement à l’économie des pays industrialisés et à l’enjeu que représente le Moyen-Orient ? Certainement. Entre Chirac en 2003 et Tony Blair, à qui reviendra la présidence tournante du G8 en janvier 2005 et qui a d’ores et déjà annoncé que le continent serait au premier rang des préoccupations (créant même une commission pour l’Afrique), Bush ne tenait pas à apparaître de nouveau comme un unilatéraliste impénitent. Du coup, les chefs d’État africains rejoindront leurs homologues du Nord le dernier jour du sommet, considéré traditionnellement comme le point d’orgue de la réunion. Même si, on s’en doute, les médias américains risquent de focaliser leur attention sur les questions concernant le Moyen-Orient.
Car les invités africains croiseront dans les couloirs de la station balnéaire des dirigeants du Moyen-Orient, également invités au sommet. Afghans, Turcs, Bahreïnis, Jordaniens, Yéménites et Algériens (inscrits aussi sur la liste africaine) : la liste officielle des participants moyen-orientaux – tous activement impliqués dans la guerre contre le terrorisme – n’a été diffusée que le 24 mai, les Américains laissant le temps aux dirigeants arabes, réunis en sommet à Tunis les 22 et 23 mai, de mettre au point un projet de leur cru (lire en pp. 34-37). Malgré ce signe de bonne volonté, certains pays de la région ont décliné l’invitation de Bush, comme l’Arabie saoudite et surtout l’Égypte. Ahmed Maher, le ministre égyptien des Affaires étrangères, a expliqué dans une interview télévisée qu’Hosni Moubarak ne se rendrait pas au sommet du G8, car il avait « d’autres engagements ». Tout en précisant que son pays rejetait le projet de dissolution de la « Ligue arabe dans une entité plus large », tel que le prévoyait l’initiative du Grand Moyen-Orient proposée par George W. Bush et qui doit être discutée lors du sommet.
En permettant aux pays arabes de proposer une alternative au plan américain, les États-Unis et les pays du G8 espèrent sans doute renouveler, avec le Moyen-Orient, l’expérience tentée avec le continent et qui a abouti à la mise en place du Nepad, proposé par les Africains à Gênes en 2001 et adopté par le G8 en 2002. Verdict le 10 juin.

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