Alexandre Kateb : « En levant progressivement les interdictions d’importations, l’Algérie envoie un signal à l’Union européenne »

En attendant l’examen de la loi de finances complémentaire 2018 devant le Conseil des ministres, le Premier ministre a d’ores et déjà défendu ses mesures. L’économiste Alexandre Kateb, directeur du cabinet Compétence Finance, y voit un retour à la normale, en accord avec la politique de croissance du pays.

Ahmed Ouyahia, ex-Premier ministre de l’Algérie. © Paul Schemm/AP/SIPA

Ahmed Ouyahia, ex-Premier ministre de l’Algérie. © Paul Schemm/AP/SIPA

Publié le 28 mai 2018 Lecture : 3 minutes.

Alors qu’un avant-projet de la loi de finances complémentaire pour l’année 2018 doit être examiné prochainement en Conseil des ministres – après plusieurs reports -, le Premier ministre Ahmed Ouyahia a dénoncé jeudi 24 mai dans un communiqué des fuites et des spéculations autour de ce texte. Ce dernier prévoyait, dans une première version obtenue par TSA Algérie, des mesures de hausse budgétaire – démenties par le Premier ministre – et l’ouverture des concessions agricoles aux investisseurs privés nationaux et étrangers auraient été prévues, puis retoquées par le président Abdelaziz Bouteflika.

La situation économique du pays est scrutée par les observateurs économiques, tant la chute des cours du pétrole l’a affecté. En avril, la Banque mondiale a déploré le recours à la planche à billets, qui entretiendrait des illusions autour de la croissance réelle du PIB.

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Le Premier ministre a apporté des précisions dans son communiqué, précisant qu’un nouveau dispositif de régulation des importations et de protection de la balance des paiements sera instauré pour remplacer la suspension provisoire à l’importation, avec des « taux extrêmement dissuasifs, de 30 à 200 % ».

L’économiste Alexandre Kateb, directeur du cabinet Compétence Finance, voit dans la loi de finances complémentaire 2018 la continuité de la politique de croissance du pays. Hausse du prix des documents officiels et instauration de taxes à l’importation sont notamment prévues.

Jeune Afrique : Comment interprétez-vous les multiples rebondissements autour de cette loi de finances complémentaire, avec notamment l’ouverture des concessions agricoles aux étrangers qui a été évoquée, puis a disparu du projet ?

Alexandre Kateb : C’est banal. La loi complémentaire permet en cours d’année de rectifier et d’ajouter des mesures en fonction de l’évolution de la situation économique. Le retoquage de la loi par le président, le véritable pouvoir exécutif, est également tout à fait normal. Par ailleurs, la matière agricole touche à la souveraineté d’un pays, il est normal que l’Algérie ne veuille pas céder des terres à des investisseurs étrangers. Les dispositions présentes dans ce projet de loi ne bouleverseront pas l’état du pays. Il s’agit d’une politique de continuité, qui a pour vocation de soutenir la croissance.

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Le gouvernement a annoncé l’institution de taxes sur les importations de produits de luxe, avec un taux variant entre 30 % et 200 %, qui viendront remplacer des interdictions à l’importation. Est-ce une bonne chose ?

Après trois ans d’expérimentation avec les quotas sur les produits importés, le gouvernement revient à une logique plus conforme de sauvegarde classique, avec des taxes sur la consommation intérieure, pour favoriser les produits locaux face aux produits étrangers. C’est un retour progressif à la normale.

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Le seul point qu’il faudrait éclaircir est celui du calendrier sur le délai d’application des taxes à l’importation. Cela permettrait aux importateurs nationaux et aux partenaires étrangers de planifier.

Les interdictions à l’importation étaient justifiées par la situation mais elles auraient dû être instaurées de manière plus graduelle

Quelle est la logique de la politique économique algérienne, notamment vis-à-vis de ses partenaires étrangers ?

Il faudra observer la réaction des partenaires étrangers, notamment de l’Union européenne. Mettre en place des taxes à l’importation est préférable à des interdictions, même si ce sont des mesures temporaires de sauvegarde. Ces restrictions étaient justifiées par la situation mais elles auraient dû être instaurées de manière plus graduelle.

En levant progressivement ces interdictions, le gouvernement algérien envoie un signal pour renégocier avec l’Union européenne. Il ne faut pas que ces mesures aillent à l’encontre de l’accord d’association avec l’UE, un accord négocié trop rapidement. L’Algérie n’en a pas profité, c’est un accord à sens unique.

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