[Tribune] Algérie-Maroc, une destinée commune
Religion, proverbes, poésies, plaisanteries… L’Algérie et le Maroc ont de nombreux éléments en commun. Aujourd’hui, les deux pays font face au drame des migrants du Sahel, pour lequel ils ont à inventer un accueil décent, selon Ali Benmakhlouf.
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Ali Benmakhlouf
Professeur des universités et membre correspondant de l’Académie nationale de pharmacie, à Paris.
Publié le 1 juin 2018 Lecture : 2 minutes.
Une forte émotion m’a étreint lors de mon récent voyage à Tlemcen : voilà une ville dont les relations avec Fès, ma ville natale, furent continues durant des siècles, au point que l’accent, le parler sont encore très proches. Même façon de dire « khay » (« mon frère »), même intonation…
Fès et Tlemcen furent, de la période médiévale jusqu’à la colonisation, des villes de circulation de savoir, d’échange et d’annotation des manuscrits, qui venaient parfois de Grenade, en Espagne, et parvenaient à Tombouctou, au Mali.
Mépris
Plus généralement, l’Algérie et le Maroc partagent une culture commune : la même religion, mais aussi la même façon de se rapporter à la croyance en la sainteté de plusieurs marabouts. Sid Ahmed Tijani, né en Algérie et enterré au Maroc (Fès), est un de ces traits d’union.
Du côté de la population, les jeunes sont le réel défi de ces deux pays : même déficit de formation, même chômage endémique, même rêve de rejoindre le supposé eldorado européen.
Et, en même temps, des potentialités inouïes qui ne demandent que des opportunités pour se réaliser, comme des projets de PME qui rencontrent des obstacles bureaucratiques ubuesques. Cette non-reconnaissance est vécue dans les deux pays comme du mépris – hogra – face à la corruption généralisée.
Accueil des migrants
Il y a aussi la manière de restituer cette culture commune. Là encore, les affinités sont grandes : proverbes utilisés à propos, plaisanteries comme corset de protection contre les abus de toutes sortes, belle image d’une société fortement résiliente.
Une très grande ironie face aux incompétences des responsables politiques qui rappelle ce que les Amérindiens avaient pu dire aux colons espagnols au XVIe siècle, quelque chose comme : « Vous devez être bien misérables pour convoiter et accaparer ce qui ne vous appartient pas. » Cette comparaison indique qu’il y a bien une colonisation de l’intérieur, un accaparement des richesses impuni.
Aujourd’hui ces pays font face au drame des migrants du Sahel. Encore un élément partagé
Proverbes, plaisanteries, romans, poésies, mais aussi chants, comme le raï ou encore le melhoun, ce chant qui est une poésie tantôt courtoise, tantôt sensuelle, une poésie d’allure épique issue de chants andalous. Le melhoun est un véritable miroir de la société, où se lisent aussi, parfois, le ciel partagé et les étoiles qui ignorent les frontières.
>>> A LIRE – Expulsion de migrants subsahariens : « Oust of Algeria »
Aujourd’hui, ces pays font face, entre autres problèmes, au drame des migrants du Sahel. Encore un élément partagé, pour lequel ils ont à inventer un accueil décent dès lors qu’ils ont signé la convention de Genève de 1951, qui donne le droit à tout être humain de se déplacer.
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