Érythrée : pas de paix, pas de portables
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L’Érythrée est le seul pays africain où les téléphones portables n’ont pas encore fait leur apparition. Pour entrer enfin dans la modernité, le gouvernement a entamé début avril la procédure d’autorisation des premiers cellulaires. Mais avec une précision – et de taille -, seuls les ministres, les diplomates et quelques membres d’organisations humanitaires triés sur le volet obtiendront le « permis de portable ». Les détracteurs de cette prohibition dénoncent la répression grandissante qui s’installe dans le pays depuis la guerre de 1998-2000 avec l’Éthiopie voisine. Sous prétexte de sécurité nationale, les autorités ont interdit aux Érythréens de moins de 30 ans de quitter le territoire, allongé le service militaire à une durée indéterminée pour les jeunes, emprisonné les opposants politiques et fait taire la presse. « Nous sommes coupés du monde, se plaint Yadi, 24 ans. C’est déprimant. »
Partout ailleurs sur le continent, les cellulaires sont devenus bien plus que des substituts aux lignes de téléphone fixe qui fonctionnaient mal : ils représentent aussi un outil indispensable de liberté, de démocratie et de sécurité, notamment dans les zones de conflit. Au nord-est de la République démocratique du Congo (RDC), les habitants les utilisaient pour prévenir leurs familles de l’arrivée des rebelles. Au Kenya, les assesseurs des élections de décembre 2002 ont pu prévenir les médias et la commission de contrôle immédiatement après le comptage des voix, pour éviter toute fraude. « Le portable est une révolution pour la démocratie, explique Christopher Wambua, attaché de presse pour la commission des communications du Kenya. Parce qu’il offre aux gens un lien direct avec le monde extérieur. » Au pays de Mwai Kibaki, le nombre d’abonnés a dépassé les 2 millions, en Ouganda, ils sont 500 000. Au Nigeria, il y a désormais trois fois plus de portables que de lignes fixes.
Mais dans l’ancienne colonie italienne, l’arrivée des nouvelles technologies n’a déclenché qu’un conflit de plus entre défenseurs des libertés et répression étatique. « Le gouvernement érythréen est très autoritaire et va très loin dans la rétention de l’information. Le contrôle des téléphones portables n’est que le dernier exemple en date », affirme Jemera Rone, une spécialiste de l’Afrique à l’ONG américaine Human Rights Watch. Et les officiels, eux, d’expliquer que l’utilisation libre des portables pourrait faciliter la trahison et l’espionnage au profit de l’Éthiopie. « Une psychologie de paix est différente d’une psychologie de guerre, argumente Yemane Gebremeskel, directeur du cabinet présidentiel. Nous ne pouvons tenir des élections dans une situation de « non-paix, non-guerre ». Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser les jeunes partir s’il y a une guerre. Tous ceux que nous avons emprisonnés et toutes les libertés que nous avons restreintes sont des mesures prises pour protéger la souveraineté de la nation. »
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