Promesses de croissance

Annulation de la dette, aides financières, bonne production agricole… La conjoncture a rarement été aussi favorable.

Publié le 1 juin 2004 Lecture : 4 minutes.

Le nouveau ministre de l’Économie et des Finances, Abou-Bakar Traoré, qui a pris ses fonctions le 29 avril dernier à la faveur d’un remaniement ministériel, hérite d’une conjoncture favorable. Pour une fois, la situation alimentaire est plutôt bonne, et l’argent est au rendez-vous…
La production totale de céréales a atteint 3,4 millions de tonnes en 2003-2004, soit une hausse de 34 % par rapport à 2002-2003 et de 32 % par rapport à la moyenne des cinq dernières années. La récolte cotonnière établit un nouveau record à 612 000 t cette année, ce qui place le Mali au premier rang des producteurs en Afrique. L’agriculture occupe 80 % de la population et contribue pour environ 40 % au Produit intérieur brut (PIB).
Par ailleurs, les bailleurs de fonds ont renouvelé – lors de la cinquième table ronde des partenaires du développement qui s’est tenue les 30 et 31 mars dernier à Genève – leur solidarité envers le pays. Pour la période 2004-2006, ils devraient verser quelque 2,4 milliards de dollars, dont une partie sous la forme d’appui budgétaire. Rappelons, en outre, que le Mali a atteint le point d’achèvement du processus d’éligibilité à l’initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) en mars 2003. Le Mali bénéficie, grâce à ce processus, d’un allègement substantiel (675 millions de dollars de dettes) sur les trente prochaines années. Reste donc au gouvernement et au grand argentier à transformer cette « pluie de dollars » en projets concrets et à répondre aux nombreuses attentes des populations.
S’agissant du développement humain, le pays figure encore à la 172e place sur 175 du classement 2003 établi par le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) pour les indicateurs de développement. L’organisme d’information et de notation financière Standard & Poor’s classe le Mali parmi les pays à risque en raison de la faiblesse du PIB par habitant (348 dollars), de l’importance du taux d’analphabétisation (65 %) et de la mortalité infantile (113 ä), ainsi que du manque de structures sanitaires (seulement 44 % de la population peut y accéder dans un rayon de 5 km).
C’est au nord et à l’extrême nord du pays que la situation des populations est le plus dramatique. Et que l’accès à l’eau, aux ressources alimentaires, à l’éducation et à la santé est le plus déficient.
Mais les citadins souffrent également au quotidien. « Nous payons l’électricité deux fois plus cher que nos voisins », témoigne Mohamed Maïga, un consultant bamakois qui travaille sur les projets de développement économique et social. De fait, Électricité du mali (EDM) facture le kilowattheure environ 80 F CFA, soit le double du prix pratiqué en Côte d’Ivoire. « Beaucoup d’Africains considèrent qu’il fait bon vivre au Mali. La réalité est tout autre. Le coût des prestations médicales est élevé et la qualité des soins laisse à désirer. Mieux vaut ne pas tomber malade. Les produits alimentaires sont onéreux. Et l’administration est largement corrompue : le bakchich est de mise pour se procurer les documents officiels comme le passeport », ajoute le consultant.
L’ONG Transparency International a enregistré pour la première fois en 2003 le taux de corruption au Mali. Il est de 3 sur une échelle de 0 à 10 (note maximale pour un pays sans corruption), plaçant l’État malien au 78e rang sur 133 pays.
L’économie reste également soumise à des contraintes, comme le retard dans le développement des infrastructures (hydraulique, télécommunications, routes), ainsi que la faiblesse d’un système judiciaire peu susceptible de donner confiance aux investisseurs. Et des facteurs difficiles à maîtriser comme l’enclavement, la volatilité des prix mondiaux pour les produits de base et la situation politico-économique régionale. La crise ivoirienne a eu des répercussions importantes sur la vie des habitants, le Mali étant largement approvisionné par le port d’Abidjan. Les prix des produits de consommation importés ont connu une hausse fin 2002 et début 2003. Heureusement, la bonne réactivité des opérateurs économiques, qui sont parvenus dans l’urgence à diversifier les voies d’acheminement des marchandises notamment via le Ghana, le Sénégal et la Guinée, a permis d’éviter toute rupture d’approvisionnement.
L’utilisation de ces voies alternatives de transport et l’intervention des autorités sur les marchés des céréales, du fuel et de l’énergie électrique ont permis de maîtriser la pression inflationniste (2 % pour l’année 2003) engendrée par la crise ivoirienne. En 2004, le taux d’inflation ne devrait pas dépasser 3 %. Les autorités en ont également profité pour établir de nouveaux partenariats avec les différents ports de la région.
Pour dynamiser les activités et accélérer les projets sociaux en 2004, les autorités maliennes ont élaboré une loi de finances volontariste s’appuyant sur une prévision de dépenses progressant en 2004 de 7,46 %, pour un montant de 787 milliards de F CFA. Le déficit budgétaire prévisionnel, qui est de 87,9 milliards de F CFA, sera financé essentiellement par des ressources provenant des aides extérieures.
Les pouvoirs publics misent sur une croissance économique, avec un taux attendu de 6,7 %, au lieu de 5,6 % en 2003.
L’entrée en production de plusieurs unités industrielles, notamment dans le domaine du textile, devrait favoriser la relance des activités. Le Mali transforme à peine 1 % de sa production de coton. L’État a apporté son soutien à la création d’une société de filature, baptisée Fitina (pour Fils et tissus naturels d’Afrique), dont l’usine située à la périphérie de Bamako a été inaugurée fin février.
Les autorités souhaitent développer le secteur secondaire pour réduire à terme la dépendance commerciale du Mali envers l’or, le coton et l’élevage, dont la valeur globale représente en moyenne 90 % des exportations. Sur la période 2003-2007, elles espèrent créer 16 000 emplois industriels. Pour 2004, le Fonds monétaire international (FMI) prévoit 581 milliards de F CFA (887 millions d’euros) de recettes d’exportations et 515 milliards de F CFA (785 millions d’euros) de dépenses pour les importations. La balance commerciale devrait s’équilibrer à terme avec le tassement des exportations aurifères.

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