Moussa Faki Mahamat

Premier ministre tchadien

Publié le 1 juin 2004 Lecture : 4 minutes.

Habituellement, le Premier ministre n’a aucun pouvoir au Tchad. Mais, à la différence de ses prédécesseurs, Moussa Faki Mahamat est nordiste. Mieux, il est d’ethnie zaghawa, comme le président Idriss Déby. Le 16 mai dernier, les militaires qui ont tenté un coup d’État étaient également zaghawas. Pour ce juriste de 44 ans nommé en juin 2003, c’est sans doute l’heure de vérité.

Jeune Afrique/l’intelligent : Est-ce la crise la plus grave depuis l’arrivée au pouvoir d’Idriss Déby en 1990 ?
Moussa Faki Mahamat : C’est l’une des plus difficiles, je le reconnais. Le premier mobile des 80 conjurés était l’argent. Ils ont voulu attenter à la vie du chef de l’État, mais les services de sécurité ont eu vent du complot et ont réagi immédiatement. Ces insurgés s’opposaient à notre volonté d’assainir les finances de l’armée. En février dernier, nous avons commencé le recensement physique de tous les militaires pour débusquer les soldats fantômes, et nous en avons découvert 6 000 à 7 000 aux côtés des 23 000 soldats réguliers.
J.A.I. : Ce mécontentement social n’a-t-il pas été exploité politiquement par ceux qui veulent soutenir les rebelles du Darfour contre le gouvernement soudanais ?
M.F.M. : C’est possible. Si des militaires de la Garde républicaine se sont rebellés, c’est peut-être le signe qu’il y a eu des instigateurs aux motivations politiques. Il se peut aussi que, depuis quelques mois, des militaires tchadiens sortent de la légalité pour prêter main forte à la rébellion et cherchent à entraîner notre armée dans un conflit qui n’est pas le sien.
J.A.I. : N’avez-vous pas commis une maladresse en expulsant deux Soudanais qui organisaient une collecte à N’Djamena en faveur des rebelles du Darfour ?
M.F.M. : Écoutez, en tant que pays médiateur, nous ne pouvions pas accepter que des gens s’organisent sur notre territoire pour aider une rébellion dans un pays ami et voisin ! À la demande du gouvernement soudanais, le président Déby a offert ses bons offices. Un accord de cessez-le-feu a été signé à N’Djamena. Sa position est claire : le Tchad observe la plus stricte neutralité dans ce conflit.
J.A.I. : Faites-vous entièrement confiance à votre voisin soudanais ?
M.F.M. : Il est vrai que les incursions des Janjawids [NDLR : milices arabes soudanaises] sur notre territoire ont suscité des inquiétudes. Mais le gouvernement de Khartoum nous a affirmé qu’il allait mieux les contrôler, et nous sommes convenus avec lui de déployer à la frontière une force mixte pour empêcher ces milices d’entrer dans notre pays, de tuer et de voler.
J.A.I. : Au terme des deux jours de révolte, vous avez relâché tous les insurgés. N’est-ce pas un signe de faiblesse de votre part ?
M.F.M. : Pas du tout. Il y a eu médiation, ce qui a évité toute effusion de sang. Mais je vous assure que des sanctions seront prises. Le procureur de la République a ouvert une enquête, et les instigateurs de ces actes seront traduits en justice. Quels qu’ils soient.
J.A.I. : Même s’il s’agit de membres de la famille du chef de l’État ?
M.F.M. : Bien entendu. Personne n’est au-dessus de la loi. Même si les relations tribales et claniques sont encore courantes dans notre pays, il n’y a pas de dynastie au Tchad ! Quand l’État est mis en cause, les sentiments familiaux doivent s’effacer.
J.A.I. : Ni coups de feu ni victimes… Pourrait-il s’agir d’un faux coup d’État pour justifier une vague de répression contre ceux qui s’opposent à la révision constitutionnelle pour faire sauter le verrou de la limitation du nombre de mandats présidentiels ?
M.F.M. : Pas du tout. Depuis la fin de la fronde, le calme est revenu et les partis fonctionnent normalement. Le Mouvement patriotique du salut [MPS, au pouvoir] souhaite que le président puisse se représenter en 2006 pour raffermir les acquis démocratiques. Notre projet de révision vient d’être adopté par l’Assemblée nationale, et nous organiserons un référendum constitutionnel avant la fin de l’année.
J.A.I. : En novembre 2003, vous avez touché un chèque de 6 millions de dollars pour la vente de vos premiers barils de pétrole. Pourquoi les caisses de l’État sont-elles toujours vides ?
M.F.M. : Je comprends l’impatience de mes compatriotes, mais je vais vous dire une chose : on n’a pas encore touché un centime des revenus pétroliers ! Certes, l’exploitation a commencé en octobre et notre compte à la Citibank de Londres a été alimenté en novembre. Mais nous n’étions pas bien préparés aux mécanismes de gestion de ce fonds. Aujourd’hui, conformément à l’accord signé avec la Banque mondiale, quatre comptes spécifiques viennent d’être ouverts à la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac). Et dans les jours qui viennent nous allons faire un appel de fonds pour approvisionner le Trésor public. Comme prévu par la loi, 80 % des revenus iront aux secteurs prioritaires : l’éducation, la santé et les routes.

la suite après cette publicité

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires