Dette : vingt ans après l’initiative PPTE, retour au point de départ ?
Le titre de l’étude publiée le 17 mai dernier par l’agence de notation Standard & Poor’s est éloquent : la résurgence des risques sur le remboursement de la dette en Afrique subsaharienne suggère un échec de l’initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE). Le point avec l’auteur du rapport, Ravi Bhatia.
En 1996, le FMI et la Banque mondiale ont lancé l’initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) en vue d’alléger la dette de certains pays africains, devenue insoutenable. Cette mesure a été complétée en juin 2005 par l’initiative d’allègement de la dette multilatérale (IADM), qui a consisté en l’effacement de la dette des pays concernés envers trois institutions, le FMI, l’Association internationale de développement (IDA) de la Banque mondiale et le Fonds africain de développement (FAD).
« Quand elles ont été décidées, ces actions devaient sans doute être un remède à prise unique et faire disparaître le problème de la dette dans les pays concernés. Or, à peine 15 ans après, nous voici revenus quasiment au point de départ », regrette Ravi Bhatia, analyste chez S&P Global Ratings, qui vient de publier une étude intitulée : La résurgence des risques sur le remboursement de la dette en Afrique subsaharienne suggère un échec de l’initiative PPTE.
« Échec est peut-être un mot un peu fort. Mais en tout cas, il ne s’agit pas d’une franche réussite », nuance l’analyste. Sur les 17 pays d’Afrique que note S&P Global Ratings, onze ont bénéficié d’un programme PPTE. Parmi eux, deux, le Congo et le Mozambique, ont un niveau d’endettement égal ou supérieur à celui qu’ils affichaient à leur entrée dans le programme. Six pays (le Ghana, le Mozambique, le Rwanda, le Sénégal, l’Ouganda et la Zambie) consacrent aujourd’hui une plus large part de leurs recettes publiques à rembourser les intérêts de leur dette, que dans les années 2000.
Une situation d’autant plus préoccupante que les taux d’intérêt remontent au niveau mondial.
Les pays francophones, meilleurs élèves
Ravi Bhatia relève cependant une meilleure trajectoire dans les pays francophones, notamment au Cameroun, au Burkina Faso ou en RDC. Des pays dont la situation macroéconomique n’est pourtant pas florissante, en comparaison de leurs voisins anglophones.
« Le revenu et la dette sont deux problématiques différentes. Le Ghana, par exemple, réalise de bonnes performances en matière de PIB, mais il doit consacrer plus d’un tiers de ses recettes publiques aux intérêts de sa dette. Il est vrai qu’on peut avoir besoin de la dette pour arriver à de la croissance, mais il y a un équilibre à trouver pour que cette dette reste à un niveau soutenable. Cela étant, avec une croissance rapide, vous pouvez toujours vous sortir d’un problème d’endettement », précise Ravi Bhatia. Pour lui, c’est par la croissance et l’efficacité de la fiscalité que les États concernés pourront remonter la pente. « Mais cela prendra du temps », prévient-il.
Pour la RDC, le risque est avant tout politique
Le risque est le défaut de paiement qu’a connu le Congo-Brazzaville en juin 2016 et que traverse le Mozambique depuis janvier 2017. Pour S&P Global Ratings, la République du Congo, endettée à hauteur de 117 % de son PIB, demeure un sujet d’inquiétude. En avril 2018, la note souveraine attachée à Brazzaville était de CCC+ (risque élevée), avec une perspective stable.
Une évaluation également attachée à la RDC, qui paraît pourtant avoir réglé le problème de sa dette : alors qu’elle représentait plus 131 % de son PIB en 2002, elle a été ramenée à 13 % en 2017. « Pour la RDC, le risque est avant tout politique », précise Ravi Bhatia.
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