Mon Bamako à moi
Je reviens de Bamako (où je dois d’ailleurs retourner dans quelques jours) et j’ai brusquement envie de vous parler de cette ville, qui est l’une de celles que je préfère sur le continent. J’ai lu bien des tirades sur Bamako, et pas que d’excellentes. On lui a donné tous les défauts de la terre : sale, pauvre, écrasée de chaleur, poussiéreuse et j’en passe. Foin de ces considérations sommaires, elles s’attachent à la seule pellicule des choses. Bamako est comme un livre d’histoire, il faut s’y plonger pour en savourer le contenu.
C’est vrai qu’au premier abord elle est austère. C’est une ville sahélienne aux larges avenues à la mode soviétisante qui filent droit vers l’avenir ou, c’est comme on veut, vers l’horizon. Les immeubles les plus hauts et les bâtiments administratifs sont souvent dans le style soudanais des années 1930, un peu sévère, mais non sans grâce. Certes, ce n’est pas Kin la Belle et son Matongué avec un bar à chaque coin de rue. Bamako la Pudique aime à se dissimuler, à se faire désirer. Les amoureux impénitents sauront cependant y dénicher sans coup férir les boîtes de nuit borgnes, les filles de joie bon marché. Tandis que les bonimenteurs malins les délesteront, en douceur et vite fait bien fait, de leurs francs CFA. Au Mali, il n’y a pas de ministère pour la Promotion de la vertu et la Répression des vices.
Cela dit, le vrai Bamako ne réside pas dans les apparences, si belles – ou déroutantes – soient-elles. C’est pourquoi le congressiste pressé se révèle incapable de percer son mystère, comme celui du Mali tout entier d’ailleurs. Bamako la Secrète souffle son harmattan au visage du journaliste oublieux, brouille sa vue, emplit ses oreilles et le laisse, désorienté et seul, au bord du Djoliba. Seul celui qui peut encore s’émerveiller devant les remparts de Djenné, avoir le frisson au pied de la grande falaise des Dogons, s’émouvoir de la beauté de Ségou ou se laisser envahir par le silence dans la mosquée Djingareiber de Tombouctou ne passera pas à côté de l’essentiel. Au Mali, il faut savoir regarder, écouter et se taire. Alors, Bamako la Secrète fera parler ses pierres, son sable, sa poussière, son soleil. Elle racontera son morceau d’histoire de l’Afrique bien à elle, sa culture, ses traditions, son étonnante hospitalité. Un fragment d’humanité installé là et que l’on n’arrive à lire qu’à force de patience, de silence et de recueillement. C’est cela, la vraie richesse de Bamako. Elle est à la portée de tous. Encore faut-il avoir le désir et la volonté de s’y intéresser.
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