Mahathir Bin Mohamad
Sept mois après avoir quitté volontairement le pouvoir, le père du « miracle » malaisien poursuit son combat en faveur des pays du Sud. Sans jamais se départir de la pugnacité et du franc-parler qui le caractérisent.
A 78 ans, Mahathir Bin Mohamad, ancien Premier ministre malaisien, ne semble pas près de couler des jours tranquilles et compte bien poursuivre son combat en faveur des pays du
Sud. Mais sans interférer dans les affaires de la Malaisie, qu’il a remise entre les mains de son successeur désigné, Abdullah Ahmad Badawi, en novembre dernier, après avoir passé vingt-deux ans à la tête du pays.
Sa décision de se retirer, annoncée dans les larmes en juin 2002, avait autant surpris ses détracteurs – longtemps persuadés qu’il ne passerait jamais la main – que ses admirateurs, jusqu’à ses collaborateurs les plus proches, qui n’en avaient pas été informés. Certains ont bien tenté de le retenir. Mais c’était sans compter sur la détermination du « Dr M. », qui n’a cessé de prouver lors de sa longue carrière d’homme d’État qu’il était le seul maître à bord. Au point de s’attirer les foudres de la communauté internationale par ses prises de position peu orthodoxes. Mais aussi de susciter l’admiration de ses pairs dans les pays émergents, dont il est devenu, au fil des années, l’un des porte-parole.
Cet enfant de l’État de Kedah, une région rurale du nord de la péninsule, né de mère malaise et de père indien, tous deux musulmans de naissance [nous avions écrit par erreur, dans J.A.I. n° 2234, que son père s’était converti à l’islam], est très vite attiré par la politique. Médecin de formation, il adhère, dès sa fondation, en 1946, à l’United Malays National Organisation (Umno) et s’engage dans le combat pour l’indépendance, que la Fédération obtient en 1957. À la suite des sanglantes émeutes intercommunautaires du 13 mai 1969, il publie son premier livre, Le Dilemme malais. Ce plaidoyer en faveur de la cause de ses frères malais – qui ne détiennent à l’époque qu’une part infime de l’économie, contrairement à leurs concitoyens d’origine chinoise –
n’est pas du goût des autorités. L’ouvrage, qualifié de « raciste », est interdit, et son auteur est prié de quitter l’Umno. Mais Mahathir ne tardera pas à revenir en grâce et gravira un à un tous les échelons du pouvoir jusqu’à son accession, en 1981, à la tête de l’État.
Le quatrième Premier ministre de la Fédération a été sans conteste l’artisan de la formidable ascension économique qui a permis à la Malaisie de se hisser au rang des Tigres asiatiques. Partisan d’un pouvoir autoritaire, indispensable selon lui à la stabilité du pays, Mahathir a régné sans partage sur la Fédération. Mais il est également parvenu à faire connaître la Malaisie sur la scène internationale en l’équipant d’infrastructures ultramodernes à faire pâlir d’envie bien des pays développés.
En cette matinée ensoleillée d’avril, il nous reçoit dans son bureau, au 83e étage de l’une des deux tours jumelles Petronas, les plus élevées de la planète. C’est là qu’il passe désormais une partie de son temps, la société pétrolière nationale, propriétaire des lieux, lui ayant offert un poste de conseiller à la fin de l’année dernière. Fidèle à lui-même, il répond sans détour à toutes nos questions. Et n’épargne personne.
Jeune Afrique/l’intelligent : Le Barisan National [coalition au pouvoir] a remporté une victoire écrasante face au Parti Islam SeMalaysia [PAS] lors des élections générales qui se sont tenues en mars. Quel est le secret de la Malaisie pour discréditer les fondamentalistes ?
Mahathir Bin Mohamad : Mais nous sommes des fondamentalistes, puisque nous suivons à la lettre les préceptes de l’islam, qui demandent aux musulmans de faire preuve de modération et de vivre en paix avec les autres communautés. Nous ne nous considérons pas comme des musulmans « modérés », ce qui signifierait que nous avons « allégé » notre religion. Nous sommes de vrais musulmans et nous devons à ce titre développer notre pays. Le PAS a une interprétation déviationniste de l’islam, qu’il a politisé. Les Malaisiens ont accepté notre interprétation.
J.A.I. : Comment expliquez-vous que les musulmans des autres pays sont réceptifs à cet islam déviationniste ?
M.B.M. : Dans la plupart des pays où l’islam déviationniste se développe, les dirigeants ne proposent pas de solution islamique qui pourrait contrer ces déviations. Ils s’affirment laïcs, modernes, voire modérés. Un gouvernement laïc, qui accepte les valeurs occidentales, ne peut obtenir le soutien des musulmans, qui se tournent en conséquence vers ceux qui revendiquent leur appartenance religieuse.
J.A.I. : Ne pensez-vous pas que la croissance économique est également un facteur important ?
M.B.M. : Le développement est indispensable. Car si vous expliquez à votre peuple que vous suivez les préceptes du véritable islam et que votre pays est pauvre, cela revient à dire que l’islam est un frein au développement. Et vous voyez ici que ce n’est pas le cas.
J.A.I. : Certains pays musulmans ont décidé d’interdire les partis extrémistes. Ce n’est pas le cas en Malaisie, puisque le PAS dirige l’un des États du Nord et fait partie de l’opposition parlementaire.
M.B.M. : Je ne pense pas qu’il faille interdire ces partis. La meilleure solution est de proposer une alternative qui leur fasse perdre le soutien de la population. En revanche, s’ils tentent d’utiliser la force pour renverser le gouvernement, il devient nécessaire de prendre des mesures fermes à leur encontre. C’est d’ailleurs ce que nous avons fait. Nous avons arrêté les extrémistes qui tentaient de s’emparer du pouvoir par la force.
J.A.I. : Pensez-vous que la Malaisie puisse être un modèle pour le monde musulman ?
M.B.M. : D’une certaine manière. Car nous ne demandons pas aux dirigeants des pays musulmans de s’écarter de l’enseignement de l’islam pour parvenir là où nous sommes parvenus.
J.A.I. : Vous avez répété maintes fois aux dirigeants des pays musulmans qu’ils étaient responsables des difficultés auxquelles ils se heurtent. Mais vous accusez également l’Occident d’opprimer les pays musulmans.
M.B.M. : Ce n’est pas en rejetant la responsabilité de vos échecs sur les autres que vous parviendrez à faire évoluer les choses et à prendre le chemin du succès. Nous condamnons naturellement l’Occident pour ce qu’il a fait subir au monde musulman. Mais nous ne pouvons pas nous contenter de nous plaindre. Je demande en conséquence aux pays musulmans de reconnaître leurs erreurs et de prendre les mesures nécessaires pour les rectifier.
J.A.I. : Quelles erreurs les pays musulmans ont-ils commises ?
M.B.M. : Ils n’ont pas respecté le véritable enseignement de l’islam, qui nous demande de rechercher le savoir. Au départ, les musulmans ont cherché à accéder à ce savoir, en traduisant les travaux des Grecs par exemple. Puis, par la suite, certains oulémas ont décrété que seule la connaissance de l’islam importait. Ils ont ainsi rejeté l’un des enseignements fondamentaux de l’islam.
J.A.I. : Comment rectifier cette erreur ?
M.B.M. : Nous devons étudier les succès passés des musulmans en Andalousie ou à Bagdad. Et surtout nous concentrer sur le savoir, en étudiant les mathématiques, les sciences et les technologies modernes.
J.A.I. : Vous dénoncez, comme nombre de musulmans, l’instrumentalisation de votre religion par des terroristes.
M.B.M. : Le combat d’el-Qaïda n’est pas un combat islamique mais un combat contre l’oppression, destiné à reconquérir des territoires. Les membres d’el-Qaïda utilisent l’islam pour attaquer ceux qu’ils considèrent comme les oppresseurs des musulmans. Ils exercent un pouvoir d’attraction sur les adeptes de l’islam. Personnellement, nous ne pensons pas que leurs actes soient conformes à la religion.
J.A.I. : Condamnez-vous le terrorisme ?
M.B.M. : Oui, nous condamnons le terrorisme, car nous ne pensons pas qu’il soit une solution. Mais nous condamnons également les gouvernements qui utilisent la terreur contre les civils. Tuer des innocents est un acte de terreur. Lorsque les Israéliens attaquent les maisons des Palestiniens, c’est un acte de terreur. On ne peut condamner uniquement el-Qaïda, il faut également dénoncer le terrorisme mené par les États israélien, américain et britannique.
J.A.I. : Comment peut-on venir à bout du terrorisme ?
M.B.M. : L’essentiel est d’en identifier les causes. Les gens ne se font pas exploser sans raison. Je pense que la saisie des territoires palestiniens pour la création d’Israël et l’oppression dont sont victimes les Palestiniens et les musulmans dans d’autres pays en sont les principales raisons. Rappelez-vous que les États-Unis ont bombardé le Soudan et la Libye sans leur déclarer la guerre. Ce n’est pas la bonne manière d’endiguer le terrorisme.
J.A.I. : Quelle est la bonne manière ?
M.B.M. : Après avoir trouvé la cause, il faut résoudre le problème, ne pas prendre parti, rester neutre. Aujourd’hui, on assiste à une condamnation universelle du terrorisme palestinien. La dénonciation des actes commis par l’État d’Israël, qui sont pires que le terrorisme, est beaucoup moins universelle.
J.A.I. : Vous semblez considérer que la question palestinienne est au coeur des problèmes du monde arabo-musulman.
M.B.M. : En effet. L’État israélien a été créé sur le sol palestinien, en expulsant ses habitants, en prenant leurs maisons et leurs terres, c’est de là que vient le problème. Il ne s’agit pas d’une querelle entre le judaïsme et l’islam, il s’agit d’un problème territorial.
J.A.I. : Comment le résoudre ?
M.B.M. : Si l’État israélien souhaite perdurer, il doit accepter les réfugiés qui ont été chassés de leur pays. Les juifs devraient comprendre la douleur de la diaspora palestinienne, la douleur de l’expulsion, eux qui ont souffert pendant deux mille ans. Mais, apparemment, ils n’ont pas tiré les leçons de leur passé douloureux, puisqu’ils ont fait subir aux Palestiniens ce que les Romains leur avaient infligé.
J.A.I. : Israël justifie ses actes en affirmant qu’il s’agit d’une guerre contre le terrorisme. L’assassinat du cheikh Yassine a été présenté comme une mesure préventive.
M.B.M. : Cela ne contribue qu’à provoquer la colère. Ce n’est pas en supprimant un homme que les autres vont s’arrêter. Vous avez bien vu qu’après l’arrestation de Saddam Hussein les combats en Irak se sont intensifiés. Les Américains pensaient que tout s’arrêterait après la capture de Saddam. C’est exactement le contraire, et la situation empire.
J.A.I. : Pensez-vous que les attaques dont sont l’objet les forces américaines en Irak sont des actes terroristes ou qu’il s’agit d’une résistance légitime ?
M.B.M. : Je pense que les Irakiens ne souhaitent pas que leur pays soit dirigé par les Américains. Ils accepteraient sans doute plus facilement une administration onusienne. La situation aujourd’hui n’est pas surprenante. Les différentes communautés de la population irakienne ne parviennent pas à s’entendre et ont besoin en conséquence d’un gouvernement fort. Le concept de démocratie leur est étranger, et, pour eux, la seule façon de se faire entendre est de se battre. On dénombre d’ailleurs beaucoup plus de victimes irakiennes qu’américaines. Certains affirment que Saddam Hussein a exécuté beaucoup d’Irakiens. Aujourd’hui, les Irakiens périssent en s’affrontant. Où est la paix promise à l’Irak ? Les Américains devaient créer un meilleur Irak, censé être un modèle de démocratie pour le reste du monde arabe. C’est stupide, nous savons que les choses ne se passent pas ainsi. De toute manière, s’ils parvenaient à mettre en place une démocratie, ce sont les chiites qui l’emporteraient puisqu’ils sont majoritaires… et ils haïssent les Américains plus que tous les autres musulmans.
J.A.I. : Vous pensez donc que la situation de l’Irak était plus enviable sous le règne de Saddam Hussein ?
M.B.M. : Les Irakiens étaient opprimés sous le règne de Saddam Hussein, mais leur pays était stable et, sans les sanctions soutenues par les États-Unis, il aurait été prospère. Maintenant que les Américains sont là-bas, les Irakiens se font tuer quotidiennement. Et la situation s’aggrave, car les Américains ne comprennent rien.
J.A.I. : L’Asie du Sud-Est a également été le théâtre d’attaques terroristes. Les groupes présents dans la région constituent-ils toujours une menace ?
M.B.M. : Cette menace a été considérablement réduite, car nous avons pris des mesures. En Malaisie, nous avions découvert les activités de ces groupes bien avant le 11 septembre 2001. Nous avons alors arrêté les suspects, ce qui nous avait attiré les foudres de certains pays, qui leur réservent aujourd’hui le même traitement.
J.A.I. : Selon certaines rumeurs, vous auriez suggéré au président Bush, lors du sommet de l’Apec [Forum économique Asie-Pacifique], à Shanghai, en novembre 2001, de mettre en place une loi d’internement préventive pour les terroristes présumés.
M.B.M. : Nous n’en avons pas parlé directement. Mais je lui ai expliqué que j’estimais nécessaire de prendre des mesures préventives contre toute personne s’apprêtant à commettre des actes meurtriers pour l’en empêcher.
J.A.I. : Ces mesures peuvent-elles s’étendre à des États potentiellement dangereux pour la planète ?
M.B.M. : La guerre préventive peut être justifiée lorsque l’on détient des preuves. Ce qui n’était pas le cas pour l’Irak, qui n’était pas impliqué dans les attaques du 11 septembre 2001. Cette guerre n’est donc pas une guerre préventive mais une guerre de conquête destinée à s’emparer du pétrole. L’invasion a été justifiée par la détention d’armes de destruction massive, dont nous n’avons, à ce jour, aucune preuve.
J.A.I. : À la suite du discours que vous avez prononcé lors de l’ouverture du sommet de l’Organisation de la conférence islamique [OCI], à Putrajaya, l’année dernière, vous avez été accusé d’antisémitisme. Que souhaiteriez-vous répondre à ces accusations ?
M.B.M. : Les juifs pensent avoir le droit de ne jamais faire l’objet de critique. Je ne condamne pas les juifs pour ce qu’ils sont, mais pour ce qu’ils font. Mais dès que vous les critiquez, vous êtes accusé d’antisémitisme. Ils utilisent ce terme comme une arme de propagande. Je me devais de dire qu’ils ont tort et il se trouve qu’ils sont juifs. Si les Japonais agissaient de la sorte, je les condamnerais de la même manière. Et ils seraient bien obligés de l’accepter car, contrairement aux juifs, ils n’ont pas de réseau international qui s’insurge dès que vous dites quelque chose contre eux.
J.A.I. : Vous avez tout de même fait référence à l’Holocauste en des termes que beaucoup ont estimés choquants.
M.B.M. : Je compatis naturellement avec les juifs pour ce qu’ils ont subi lors de l’Holocauste. Mais devons-nous payer le prix de ce que les Allemands ont fait ? À cause de l’Holocauste, les juifs ne peuvent faire l’objet d’aucune condamnation, et leur ligue antidiffamatoire établie aux Etats-Unis y veille. Je tiens à répéter que je ne les critique pas parce qu’ils sont juifs. Je critique les gens lorsqu’ils ont tort. D’ailleurs, je n’épargne pas les Occidentaux non plus. Ce qui ne signifie pas que je ne puisse pas apprécier ce qu’ils font. Je critique des actes et non des communautés.
J.A.I. : Lors de ce même sommet de l’OCI, de nombreux dirigeants africains ont été impressionnés par la réussite économique et par la stabilité de la Malaisie. Que leur conseillez-vous pour suivre vos traces ?
M.B.M. : Pour moi, la réussite d’un individu ou d’un pays dépend du système de valeurs auxquelles il adhère. Les conflits communautaires ne peuvent pas se résoudre par la guerre mais par le partage des richesses et par la croissance. Sans quoi vous vous exposez à des clashs ethniques comparables à ceux qui ont eu lieu au Rwanda.
J.A.I. : Le Rwanda vient en effet de célébrer le dixième anniversaire de l’un des pires génocides de l’Histoire, que la communauté internationale n’est pas parvenue à stopper.
M.B.M. : La communauté internationale n’arrête rien dans les endroits où il n’y a ni pétrole ni autre ressource naturelle à exploiter. Deux cent mille personnes ont été massacrées en Bosnie devant les caméras de télévision, sans que personne ne bouge. En revanche, ils ont agi au Koweït, car là-bas il y a du pétrole.
J.A.I. : Vous êtes un artisan actif de la coopération Sud-Sud. En quoi pensez-vous que l’expérience asiatique et malaisienne peut aider l’Afrique ?
M.B.M. : La compréhension, l’éducation et l’accès à l’information sont au centre de cette coopération. Nous avons mis en place le « Dialogue de Langkawi » avec les dirigeants africains pour leur expliquer comment nous développons et dirigeons notre pays. Certains s’en sortent bien, le Botswana par exemple. Pour les dirigeants africains, le stade de développement que connaît la Malaisie demeure accessible. Alors que les disparités avec le continent européen restent considérables. La Malaisie, comme les pays africains, est un État jeune. Nous avons en mémoire toutes les difficultés auxquelles nous nous sommes heurtés. Nous comprenons donc leur situation et nous pouvons les aider. Les Européens leur demandent de devenir des pays démocratiques du jour au lendemain. C’est impossible, car la démocratie demande un état d’esprit. Un changement trop soudain ne donne pas de bons résultats, et conduit même parfois à davantage de corruption.
J.A.I. : Quelles sont à votre avis les raisons du « retard » du continent africain en termes de développement ?
M.B.M. : On parle beaucoup de corruption, et ces accusations sont souvent justifiées. Mais le continent a des ressources considérables et nous sommes prêts à l’aider. Si les peuples africains ne bénéficient pas des revenus de ces ressources, il est normal qu’ils laissent exploser leur colère. Ici, vous voyez bien que tout le monde profite des bénéfices que nous tirons de l’exploitation de notre pétrole.
J.A.I. : Vous encouragez les pays émergents à s’allier. Le sommet de l’Organisation mondiale du commerce [OMC] à Cancún l’année dernière a prouvé que, lorsqu’ils sont unis, les pays du Sud peuvent se faire entendre.
M.B.M. : Dans la mesure où ils coopèrent et s’accordent sur une position unique, les pays « faibles » peuvent s’imposer. Avant chaque réunion importante, les pays riches envoient leurs délégations pour leur faire du chantage. Mais à Cancún, certains pays ont résisté et sont parvenus à se faire entendre.
J.A.I. : Vous êtes un fervent critique de la mondialisation et de ces effets négatifs sur les pays émergents. Pourtant, la Malaisie en a largement profité, par le biais des investissements et des délocalisations.
M.B.M. : La mondialisation peut aider les pays pauvres si certaines règles sont mises en place. Je ne suis pas contre la mondialisation, mais contre l’interprétation actuelle qui a été dictée par les pays riches sans consulter les pays pauvres et sans tenter de comprendre leurs problèmes. Ils veulent que nous ouvrions nos marchés sans aucune restriction. Or nos entreprises, nos banques, ne peuvent résister à une telle concurrence. Les habitants des pays du Sud ont une fierté nationale. Ils veulent avoir leurs entreprises et leur commerce. Je m’élève contre la mondialisation, car elle est synonyme d’ouverture aux investisseurs étrangers, qui peuvent se retirer à tout moment et faire écrouler nos économies.
J.A.I. : Vous vous battez depuis plus de vingt ans pour que les pays du Sud puissent faire entendre leur voix. Allez-vous poursuivre ce combat ?
M.B.M. : Je pense avoir l’obligation de faire tout ce qui est en mon possible, lorsque l’on me demande de m’exprimer ou d’expliquer la manière dont la Malaisie a conduit son développement. Je suis du Sud, je suis fier du Sud et je pense que nous pouvons nous en sortir. Je ne peux pas rester les bras croisés.
J.A.I. : Après plus de vingt-deux ans à la tête de l’État, vous avez surpris tout le monde en décidant de vous retirer du pouvoir.
M.B.M. : J’avais l’occasion de laisser la place à quelqu’un qui fera peut-être mieux que moi ! Je suis resté trop longtemps à la tête du gouvernement et je pense que les gens en avaient assez ! Lorsque j’ai été assuré que mon pays avait retrouvé sa stabilité économique et politique, j’ai décidé de me retirer.
J.A.I. : Vous avez désigné Abdullah Ahmad Badawi comme votre successeur. Que pensez-vous de ses premiers mois à la tête du pays ?
M.B.M. : Je pense qu’il s’en sort très bien. L’économie continue de se développer, la Bourse est en hausse, le pays est stable. Et puis il a remporté les élections.
J.A.I. : Vous avez affirmé que vous ne vous occuperiez plus des affaires de votre pays après avoir quitté le pouvoir.
M.B.M. : Je ne compte exercer aucune influence sur mon parti ou sur le gouvernement. Lorsque vous décidez de partir, vous devez laisser votre successeur agir comme il l’entend.
J.A.I. : Avez-vous des regrets ?
M.B.M. : Ne pas être parvenu à changer la mentalité des Malaisiens et des Malais, pour qu’ils s’orientent davantage vers le succès.
J.A.I. : Quels sont vos projets d’avenir ?
M.B.M. : J’ai reçu de nombreuses invitations pour des conférences. Je suis également conseiller pour Petronas. Je souhaite rester actif. Mais je ne pense pas être en mesure de faire tout ce que les gens attendent de moi !
J.A.I. : Vous avez promis de rédiger vos Mémoires.
M.B.M. : Je compte bien les écrire, en effet. Mais, pour l’instant, je n’en ai pas vraiment le temps !
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