L’autre Mali

Publié le 1 juin 2004 Lecture : 3 minutes.

L’image du Mali se résume souvent aux yeux des observateurs à celle d’un pays d’Afrique de l’Ouest engagé sur la voie de la démocratisation. Ils n’ont pas tort, au vu du chemin parcouru depuis la chute de la dictature de Moussa Traoré, en mars 1991. Mais l’avenante vitrine politique ne doit pas occulter la réalité du pays. Car le Mali, ce n’est pas que cela. C’est aussi une société qui bouge, dynamisée par des associations, des entreprises, des individus. Très peu pourvus en richesses naturelles, éprouvés par les rudes conditions de vie du Sahel, les Maliens savent compter sur eux-mêmes et se battre. Le pays a ainsi produit de nombreux exemples de réussite individuelle. Les cas vont bien au-delà de Cheikh Modibo Diarra, le célèbre cadre de la Nasa (National Aeronautics and Space Administration), de Salif Keita, « l’albinos béni », porte-voix de la culture mandingue, ou de Frédéric Kanouté, le fils d’émigré auteur de la plupart des buts des Aigles à la dernière Coupe d’Afrique des nations, à Tunis, début 2004. Ou encore de la famille Kagnassy, propriétaire de L’Aiglon, un groupe qui, à partir de Genève, part à l’assaut des marchés des pays africains et excelle dans le négoce des produits tropicaux (coton, café, noix de cajou, etc.).

Moins connus, des milliers de Maliens font tous les jours avancer les choses, à leur manière. À l’image de ces nombreux migrants qui balaient les couloirs de métro à Paris, conduisent des taxis à New York ou produisent le cacao en Côte d’Ivoire… Motivée, travailleuse, la diaspora est aujourd’hui, avec 60 millions d’euros de transferts financiers annuels, l’un des principaux pourvoyeurs de fonds du pays.
À l’intérieur du Mali, des individus refusent la fatalité de la misère, et investissent pour casser la spirale infernale du chômage et de la pauvreté. Il en est ainsi de Moussa Balla Coulibaly, un des principaux employeurs privés, président du Conseil national du patronat du Mali et du Conseil économique, social et culturel. Mais aussi de l’icône de la nouvelle génération d’hommes d’affaires, Ismaïla Sidibé, 42 ans, patron de Multicanal, une entreprise de distribution d’images. Sa société emploie une centaine de personnes depuis 1996. Il s’apprête à lancer, début juin, Africable, qui se veut la première chaîne de télévision panafricaine.
Le Mali est pauvre en ressources naturelles, mais abrite des hommes et des femmes volontaires. La société civile malienne est ainsi l’une des plus dynamiques d’Afrique de l’Ouest. Comme l’illustre l’énergie d’Aminata Traoré, dans ses oeuvres artistiques, mais aussi son implication dans le Forum social africain, dénonçant sans relâche « l’appauvrissement de l’Afrique par le capitalisme occidental ».

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Derrière l’arbre de la célèbre militante alter-mondialiste se cache la forêt d’associations citoyennes qui oeuvrent dans divers domaines, allant de la défense de la femme à la protection de l’enfance, de l’alphabétisation à l’encadrement agricole, de la protection de l’environnement au développement intégré… Dans cette société civile entreprenante se distinguent la Jeune Chambre économique (JCE) et sa présidente, Fatoumata Sow, aujourd’hui l’une des femmes les plus en vue du pays. Regroupement de jeunes cadres « destiné à faire éclore les capacités de ses membres et à faire progresser la communauté », la JCE quadrille le Mali avec ses organisations locales et s’investit dans l’assistance aux personnes défavorisées, l’alphabétisation, la formation professionnelle…
Les Maliens ne manquent pas d’énergie pour pallier les limites de l’État. Sans doute conscients qu’ils vivent dans un pays très pauvre, dont les efforts de développement buttent sur un sévère enclavement et une pauvreté touchant les trois quarts de la population. Le Mali ne peut miser sur l’État seul pour relever des indicateurs sociaux parmi les plus bas au monde : une espérance de vie de 41 ans, une mortalité infantile de 14 %, un taux de scolarisation de 29 %. Le gouvernement peut heureusement compter sur l’apport d’hommes et de femmes animés d’une détermination citoyenne à faire bouger les choses. Ceux qui, à l’abri des projecteurs du pouvoir, composent le Mali dont on parle peu et qui fait beaucoup. L’autre Mali.

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