Chef de chantier et fier de l’être

Nommé le 29 avril, le nouveau Premier ministre, Ousmane Issoufi Maïga, dévoile ses ambitions, ses priorités et ses appréhensions.

Publié le 1 juin 2004 Lecture : 4 minutes.

A 58 ans, le nouveau Premier ministre malien est un bourreau de travail. Présent au bureau dès 6 h 30, il attend de ses collaborateurs une très grande disponibilité. Le soir, quand il quitte la primature, il prend les dossiers qu’il n’a pas pu traiter dans la journée. Ses subordonnés aussi, s’ils veulent éviter d’être pris au dépourvu lors du briefing quotidien du matin. C’est cela le style d’Ousmane Issoufi Maïga.

Jeune Afrique/l’intelligent : L’équipe précédente était qualifiée de « gouvernement de mission ». Comment qualifierez-vous la vôtre ?
Ousmane Issoufi MaÏga : Nous avons été tenté de la qualifier de « gouvernement de combat », mais ma préférence va à la formule de « gouvernement de travail ». J’ai pris l’engagement de tout mettre en oeuvre pour que soit concrétisée l’ambition du président de la République de veiller au bien-être des Maliens, de faire reculer la pauvreté et de mettre en place une stratégie de développement efficace. Pour atteindre ces objectifs, il n’y a qu’une seule recette : une croissance forte et durable. C’est pourquoi, mon devoir est de donner une nouvelle impulsion à l’action gouvernementale et de remettre les Maliens au travail.

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J.A.I. : Comment comptez-vous vous y prendre ?
O.I.M. : En mobilisant nos ressources humaines. En faisant en sorte que tous les Maliens s’impliquent dans la lutte contre la pauvreté et dans notre stratégie de développement.

J.A.I. : Quelles en sont les grandes lignes ?
O.I.M. : Notre pays ne peut connaître de croissance durable sans compter sur l’agriculture, l’élevage ou la pêche. La principale source de revenus du Mali provient de ces secteurs, notamment de la filière cotonnière. Celle-ci est génératrice d’emplois, particulièrement pour les jeunes, qui constituent l’une des priorités du programme présidentiel. Nous envisageons de donner plus de moyens à l’Office du Niger et aux grandes surfaces irriguées. Le développement agricole aura des effets d’entraînement indéniables. Outre la création d’emplois, il permettra d’améliorer les conditions de vie en milieu rural, l’éducation et la prise en charge des problèmes de santé. En un mot, la lutte contre la pauvreté passe par le développement des industries de transformation pour consolider la croissance et ne plus être totalement dépendant de la météo.

J.A.I. : Vous avez évoqué la filière cotonnière qui attend depuis des années des réformes en profondeur. Comment améliorer ses performances ?
O.I.M. : En 2003-2004, la Mali a produit 612 000 tonnes de coton-graine, exportées à 99 %. Notre défi est de promouvoir les activités de transformation pour créer des emplois et dégager une valeur ajoutée. Notre action vise à créer de meilleures conditions pour conduire les investisseurs à s’intéresser à ce type d’activité. Et ma démarche vise à donner une nouvelle impulsion à la réorganisation de la Compagnie malienne de développement des textiles (CMDT).

J.A.I. : De quelle façon ?
O.I.M. : La vocation première de la CMDT est d’organiser l’exportation de la production et de développer l’industrie de transformation. Les difficultés vécues par cette entreprise sont dues à une confusion des rôles et des tâches, la CMDT s’impliquant, par exemple, dans l’entretien des infrastructures. D’où l’accumulation de ses pertes. La privatisation de la CMDT lui permettrait de se recentrer sur sa mission, d’assainir sa gestion et de gagner en efficacité. Nous y travaillons. Tous les segments de la filière sont privatisés ou en voie de l’être. Quant à l’État, il a retrouvé sa fonction régalienne pour l’entretien et la réalisation des infrastructures de base.

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J.A.I. : Quels sont les chantiers prioritaires de votre gouvernement ?
O.I.M. : Ils concernent les infrastructures routières pour rendre nos échanges internationaux moins dépendants du port d’Abidjan. Ce programme sera terminé dans quelques mois, lorsque des routes bitumées relieront Bamako aux ports de Nouakchott, Dakar, Lomé et Conakry. Hormis l’axe vers la Mauritanie qui est en voie de finition, tous les autres projets devraient être achevés d’ici à 2005. En outre, la mise en concession de la voie ferrée Bamako-Dakar nous a permis d’augmenter les capacités de transport de marchandises qui est passé de 20 000 à 50 000 tonnes mensuelles. Outre le manque à gagner en recettes fiscales et douanières [près de 80 milliards de F CFA par an, NDLR], la crise ivoirienne a fait prendre conscience aux Maliens des problèmes liés à l’enclavement du pays.

J.A.I. : Votre gouvernement n’a pas bénéficié d’état de grâce, puisque vous avez déjà connu un conflit social dans l’enseignement…
O.I.M. : Le droit de grève est reconnu et, en l’occurrence, les syndicats avaient déposé le préavis auprès du gouvernement précédent. C’est dommage de commencer par un conflit social, mais je n’y peux rien.

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J.A.I. : Est-ce que cela vous inquiète ?
O.I.M. : Le moindre débrayage m’inquiète, car il signifie que des problèmes n’ont pas été pris en compte. Je vais m’atteler à rendre plus performant le Pacte social de solidarité et de croissance signé par les partenaires sociaux. Grâce à ce mécanisme de prévention des conflits, nous voulons éviter de déboucher sur la grève. Cela dit, on ne peut éviter des mouvements sociaux et c’est tant mieux pour notre démocratie.

J.A.I. : On vous qualifie souvent de chef de chantier. Pourquoi avez-vous hérité de ce sobriquet ?
O.I.M. : Depuis que j’ai quitté, en 2001, le ministère de l’Économie et des Finances, ma « maison mère », je me suis retrouvé à la tête du portefeuille de la Jeunesse et des Sports, au moment des préparatifs de la Coupe d’Afrique des nations de février 2002, puis à la tête de celui de l’Équipement et de l’Habitat. Au moment de la crise ivoirienne, nous avons initié un vaste programme d’infrastructures de transport. J’étais alors en permanence sur le terrain. D’où ce sobriquet, que je revendique.

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