L’œil de Glez : France et Burundi, à qui le bonnet d’âne ?

Tempête dans une auge d’eau : une affaire d’ânes offerts, puis mis en quarantaine, démontre qu’entre la France et le Burundi, tout est politique…

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Publié le 31 mai 2018 Lecture : 2 minutes.

Acte 1 : l’ambassade de France à Bujumbura finance un don de dix ânes à des villageois burundais de la province de Gitega, pour aider femmes et enfants à transporter les produits agricoles, l’eau et le bois de chauffe. Acte 2 : des responsables politiques, notamment des proches du président Pierre Nkurunziza, s’insurgent contre cette opération. Acte 3 : le ministre burundais de l’Agriculture ordonne la mise en quarantaine des animaux. Problème sanitaire ou idéologique ?

Les détracteurs politiques ou lambda développent trois types d’arguments qui vont dans le sens de la quarantaine. Primo, celui de l’incongruité géographico-zoologique : l’âne n’est pas un animal indigène du Burundi. L’introduction négligente de l’équidé ferait-elle courir un risque à l’équilibre de la biodiversité burundaise ?

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Il ne s’agit pourtant pas d’un don incongru de caïmans à des Inuits du Groenland. Les animaux en question ne viennent que de la Tanzanie voisine. Le ministre de l’Agriculture Déo-Guide Rurema évoque une distribution des ânes « sans respecter les procédures techniques de distribution d’animaux exotiques », tandis que l’ambassadeur de France, Laurent Delahousse, indique qu’à sa connaissance « toutes les procédures ont été respectées » dans « l’introduction de la Land Cruiser du règne animal ».

Le second argument « ânophobe » relève étonnement de la pratique francophone. Si des figures proches du pouvoir qualifient le don d’ « insulte à la nation », c’est aussi, selon certains détracteurs, parce que l’âne symbolise l’ignorance et la bêtise dans la langue française…

S’ils véhiculent de l’eau ou du bois de chauffe, les ânes portent aussi sur leur dos le poids de la politisation

Bien sûr, c’est un aspect moins linguistique et moins zoologique qui semble justifier la mini-crise diplomatique. Si les responsables du régime noient le poisson – l’âne, en l’espèce –, les twittos réagissent avec moins de pincettes. Pour Appolinaire Nishirimbere, la mise en quarantaine est une « victoire face au néocolonialisme ». Là encore, le premier des diplomates français au Burundi précise que son pays n’a pas pris l’initiative de l’introduction des animaux, mais qu’il a répondu à la demande d’une ONG burundaise.

Référendum controversé

La toile de fond de cette affaire est clairement le discours régulièrement critique du pays d’Emmanuel Macron sur la situation politique au Burundi et en particulier sur l’actuelle réforme constitutionnelle qui offre la possibilité à Pierre Nkurunziza de briguer la présidence jusqu’en 2034. Le référendum du 17 mai dernier n’était pas du goût de la France, comme n’était pas du goût du Burundi la visite en France du voisin Paul Kagame, pourfendeur feutré de la stratégie politique de Bujumbura, et plus largement le rapprochement entre les deux pays.

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Les dix ânes de Gitega – et les milliers qu’il était prévu d’introduire dans la région – ont donc été pris en otage par les enjeux politiciens. S’ils véhiculent de l’eau ou du bois de chauffe, ils portent aussi sur leur dos le poids de la politisation. Pas sûr, pour autant, que l’introduction de l’espèce soit compromise. Un projet similaire se déroule sans encombre dans la province de Ruyigi. Il est financé par la Belgique.

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