Égypte : le nouveau mandat de Sissi débute en pleine vague d’arrestations d’opposants
Le nouveau mandat de quatre ans du président égyptien Abdel Fattah al-Sissi débute le 2 juin, dans un contexte de crise interne avec l’arrestation de plusieurs opposants. Une répression qui reflète, selon des experts, les craintes du pouvoir de voir apparaître de nouveaux mouvements sociaux.
Abdel Fattah al-Sissi, élu avec plus de 97 % des voix en mars dernier face à un unique adversaire, Moussa Mostafa Moussa, un homme politique méconnu du grand public et partisan affiché du chef de l’État, prêtera serment samedi 2 juin devant le Parlement d’Égypte.
Sissi sera investi président dans un contexte de crise interne, avec l’arrestation ces dernières semaines de plusieurs opposants et membres de la société civile. Parmi eux figurent le blogueur et journaliste Waël Abbas, les blogueurs Sherif Gaber et Chadi Abouzeid ou encore l’opposant Hazem Abdelazim. Waël Abbas publiait depuis plus d’une dizaine d’années sur Facebook, YouTube et Twitter des prises de position notamment contre les violences policières, la torture ou la corruption. Il est accusé d’être proche des Frères musulmans, déclarés « organisation terroriste » par l’Égypte en 2013.
Autre symbole de la répression accrue, un journaliste et chercheur spécialiste du mouvement jihadiste dans le Sinaï, Ismaïl Alexandrani, a été condamné la semaine dernière à 10 ans de prison par une cour militaire. Arrêté en 2015, il est lui aussi accusé de faire partie de la confrérie islamiste.
Reporters sans frontières (RSF) rapporte que le principal intéressé, n’ayant pas pu assister à l’audience, n’était même pas au courant de sa condamnation. C’est sa femme qui, selon l’ONG, a dû lui apprendre la nouvelle lors de sa dernière visite en prison.
Des arrestations liées au contexte économique
« Les arrestations s’inscrivent dans la continuité des politiques de répression des dernières années, qui visent à mater et domestiquer tous les contre-pouvoirs potentiels », a expliqué à l’AFP Karim Émile Bitar, chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris).
Selon lui, « le timing est sans doute lié au sentiment croissant d’insatisfaction au sein de vastes franges de la population égyptienne », allusion notamment aux difficultés économiques. Depuis plusieurs jours, la presse et la télévision d’État préparent en effet l’opinion publique à une nouvelle hausse des prix, notamment de l’électricité, dans un contexte économique toujours difficile.
Les prix ont explosé en Égypte depuis la dévaluation de la monnaie locale en novembre 2016, dans le cadre d’un plan de réforme imposée par le Fonds monétaire international (FMI) en vue de l’obtention d’un prêt de 12 milliards de dollars. Or l’économie égyptienne était déjà très mal en point depuis la révolte de 2011 et la chute de Hosni Moubarak. Si des signes encourageants apparaissent, comme la croissance du PIB qui devrait passer de 4,2 % en 2017 à 5,2 % en 2018 selon le FMI, les retombées pour l’égyptien moyen se font encore attendre.
La peur d’une nouvelle révolte
Fin février, avant la présidentielle, le parquet général avait menacé de poursuites judiciaires les médias qui diffuseraient de « fausses informations » jugées attentatoires à « la sécurité et la sûreté de la patrie ». Certaines des personnes arrêtées récemment avaient pourtant décidé de faire profil bas avant même cet avertissement.
Contacté par l’AFP, Mostafa Kamel El Sayed, professeur de Sciences politiques à l’Université du Caire, les responsables égyptiens « craignent que les activistes, surtout ceux dont les noms sont liés à la révolte de 2011 comme Hazem Abdelazim, Waël Abbas et Chadi el Ghazali Harb, n’exploitent la hausse attendue des prix des carburants et de l’électricité pour mobiliser les citoyens contre le régime de Sissi ».
Le pouvoir dément
Le 30 mai, l’Union européenne avait jugé « inquiétant » « le nombre croissant d’arrestations de défenseurs des droits de l’Homme, de militants politiques et de blogueurs ces dernières semaines en Égypte ».
Le Caire avait immédiatement répliqué en rejetant « totalement » ces critiques, « qui ne reflètent pas la réalité égyptienne ». « L’Égypte est un État de droit » et les Égyptiens y jouissent « de la liberté d’expression et d’opinion », avait affirmé le porte-parole du ministère des Affaires étrangères.
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