À quoi sert le Forum social ?

Syndicalistes, défenseurs des droits de l’homme et militants altermondialistes entreprennent un rapprochement.

Publié le 2 mai 2006 Lecture : 3 minutes.

L’assemblée générale constitutive du Forum social tunisien (FST) s’est tenue dans un hôtel de la banlieue nord de Tunis, les 22 et 23 avril, date choisie à dessein pour coïncider avec la Journée mondiale contre l’impérialisme (24 avril). Quelque sept cents personnes étaient présentes : membres de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), le syndicat unique, représentants d’ONG, figures de la gauche démocratique et leaders du mouvement altermondialiste international, comme Gustavo Marin, membre du Comité de pilotage du Forum social mondial (FSM), et Kamel Lahbib, promoteur du Forum social maghrébin (FSMa), actuellement en gestation et dont la première session pourrait se tenir en mai 2007.
L’idée de créer un FST avait été lancée en octobre 2003, au lendemain d’un colloque sur « le coût social de la mondialisation » organisé par la Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH) à Monastir. Cette ville du Sahel (littoral centre-est), qui compte plus de quarante mille ouvrières dans le secteur du textile et de l’habillement, commençait alors à ressentir les premiers effets négatifs du démantèlement des accords multifibres (AMF), qui, longtemps, protégèrent les produits tunisiens de la concurrence asiatique sur les marchés européens. D’où une vague de fermetures d’usines, de licenciements et de mouvements sociaux.
Il fallait donc réagir pour protéger les travailleurs, consacrer le principe d’égalité et, surtout, « mettre fin au pouvoir exorbitant des spéculateurs », selon les termes d’un communiqué de la LTDH. Ce texte rendu public à l’issue du colloque souligne par ailleurs les effets néfastes de « l’adaptation structurelle » de l’économie tunisienne aux « exigences du capital mondialisé », qui se traduit par toute une série de calamités : « aggravation du chômage et de l’endettement extérieur, hausse des impôts et désengagement de l’État en matière de couverture médicale, d’enseignement et de culture ».
Un noyau de départ s’est donc constitué autour de l’UGTT, de la LTDH, de l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD) et de l’Association des femmes tunisiennes pour la recherche et le développement (Afturd), bientôt rejointes par d’autres associations, légales (Union des écrivains tunisiens) ou non (Raid Attac-Tunisie). Pour vaincre les appréhensions des autorités, qui ne voyaient pas d’un très bon il la constitution d’une coalition aussi hétéroclite, un coup de pouce était toutefois indispensable. Il est venu de l’UGTT, qui, le 3 janvier, a décidé de s’impliquer plus directement dans le processus de création du FST. L’unique organisation syndicale du pays, qui compte des centaines de milliers d’adhérents, a de la sorte trouvé le moyen de redorer son blason en accompagnant un mouvement social en pleine gestation.
Un Comité provisoire composé de syndicalistes et de militants associatifs a été mis en place. Deux réunions préparatoires ont eu lieu, le 19 février et le 25 mars, au siège de l’organisation, avant la tenue de l’assemblée générale constitutive. « Nous avons été surpris par l’ampleur de la participation, témoigne Abderrahmane Hedhili, un membre du Comité provisoire. Nous escomptions trois cents participants, mais les militants ont afflué de toutes les régions du pays. » Selon lui, cette mobilisation exceptionnelle s’explique par « le vide politique » qui prévaut actuellement dans le pays et par « l’absence de tribunes libres susceptibles d’accueillir un débat pluriel en dehors des instances partisanes ».
La réunion, qui s’est poursuivie tard dans la nuit, a été suivie par des concerts et des récitals de poésie. Le lendemain, cinq ateliers ont été organisés. « Ils étaient ouverts à tout le monde, les discussions ont été très animées mais n’ont donné lieu à aucun incident, souligne Mustapha Ben Ahmed, autre membre du comité. D’ordinaire, les débats entre personnes venues d’horizons idéologiques très différents dégénèrent en dialogue de sourds et s’achèvent en queue de poisson. Rien de tel, cette fois. Les participants se sont même mis d’accord sur la suite à donner à leur mouvement. » De fait, un Conseil du FST sera constitué dans un délai de deux mois. À son tour, il devra coopter les vingt et un membres d’un comité de pilotage où toutes les sensibilités seront représentées. La tâche de celui-ci sera de préparer la première session du Forum, dans le courant du second semestre de 2007.
Conformément à la charte de Porto Alegre (2000), les partis politiques ont d’office été exclus du FST. Mais il ne fait aucun doute qu’ils y sont néanmoins (presque) tous représentés par le biais de leurs cadres syndicaux et associatifs.

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