[Tribune] L’Afrique doit se réformer pour devenir un « start-up continent »

Le 2 avril 2018, l’Assemblée tunisienne a voté le Startup Act, destiné aux jeunes pousses du numérique et rédigée avec elles. Un modèle qui pourrait inspirer bien d’autres pays en Afrique subsaharienne, estiment Thomas Léonard, associé chez Okan, et Yahya et Amine Bouhlel, cofondateurs de la start-up tunisienne GoMyCode.

Sename Koffi Agbodjinou (Togo), architecte et createur du Woelab, incubateur de start-up à Lomé. © Apresent pour JA

Sename Koffi Agbodjinou (Togo), architecte et createur du Woelab, incubateur de start-up à Lomé. © Apresent pour JA

Thomas-Leonard
  • Thomas Léonard

    Thomas Léonard est le co-fondateur d’Okan, une société de conseil en stratégie et en finance spécialisée sur l’Afrique

Publié le 14 juin 2018 Lecture : 3 minutes.

Le 2 avril 2018, l’Assemblée tunisienne a voté le Startup Act, une loi destinée aux jeunes pousses du numérique et rédigée avec elles. Par la création d’un label spécifique, ce texte vise à établir un cadre réglementaire et fiscal favorable au développement des start-up, identifiées par les autorités comme l’un des piliers de la croissance nationale. Ce nouveau cadre aura le double bénéfice d’inciter à l’investissement et à la prise de risques et de faciliter la vie des start-up du pays.

Concrètement, pour l’ensemble des start-up, l’augmentation du plafond des transactions va permettre le développement des sociétés à l’international, faciliter l’accès aux réseaux sociaux et aux outils de développement technologiques.

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>>> À LIRE – La Tunisie, « start-up nation » ?

La mise en place de bourses par l’État va soutenir l’émergence de nouvelles vocations et permettre aux jeunes de créer leur entreprise dans le secteur numérique. Ces bourses représentent un effort significatif au vu de leur montant, 338 euros par mois (seulement trois fois moins que l’aide moyenne en France).

En se dotant d’un tel cadre, la Tunisie pose les fondations du hub entrepreneurial qu’elle aspire à être, un axe identifié par le gouvernement dans son combat contre le chômage de masse (15 % à la fin de 2017).

C’est l’une des priorités du gouvernement, le ras-le-bol lié au chômage ayant largement contribué au Printemps arabe, en 2011. Ce Startup Act doit pouvoir permettre aux diplômés de l’enseignement supérieur, encore plus touchés par le chômage (30 %), de créer des entreprises innovantes.

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Enjeux similaires en Afrique subsaharienne

En Afrique subsaharienne, la bataille de l’emploi constitue également un enjeu crucial. Selon la Banque mondiale, 450 millions d’emplois devront être créés dans les vingt prochaines années, alors qu’au rythme actuel 100 millions d’emplois seulement sont attendus. Pour relever ce défi, l’éclosion de start-up dynamiques sera déterminante.

En dépit de certaines initiatives, les gouvernements peinent à instaurer des stratégies publiques cohérentes

Hélas, en dépit de certaines initiatives, comme le soutien à la création d’incubateurs (CTIC au Sénégal) ou la mise en place de la fibre optique (7 000 km sur l’ensemble du territoire ivoirien), les gouvernements peinent à instaurer des stratégies publiques cohérentes, à quelques exceptions près.

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L’émergence des premières licornes africaines peut laisser penser que de telles stratégies ne sont pas nécessaires pour le succès d’entreprises innovantes. Cependant, ces réussites restent des cas isolés, portées par de grands groupes internationaux : Rocket Internet, start-up studio allemand, a lancé Jumia, et Vodafone, opérateur de télécoms britannique, a créé M-Pesa.

>>> À LIRE – Mobile banking : une success-story nommée M-Pesa

Ces groupes ont la capacité de gérer les contraintes administratives. Ce n’est pas le cas des start-up. Dans le monde du numérique, les entrepreneurs doivent pouvoir consacrer toute leur énergie à la définition de leurs offres, de leur business model, et non aux questions administratives.

Avant le Startup Act tunisien, les formalités bureaucratiques représentaient jusqu’à un quart du temps de l’entrepreneur

En Tunisie, avant le Startup Act, les formalités bureaucratiques représentaient jusqu’à un quart du temps de l’entrepreneur, selon l’association Tunisian Startups !

Le Rwanda déterminé

Sur le continent, le Rwanda est déterminé à développer sa scène entrepreneuriale et technologique et en a fait « un pilier de la stratégie 2020 de transformation du pays ». La venue du président Kagame au salon VivaTech de Paris illustre cette ambition.

La stratégie mise en œuvre par le Rwanda est holistique et fait sens : appui à la formation des talents avec la création, à Kigali, du campus d’élite Carnegie-Mellon University Africa, soutien à la mise en place d’incubateurs comme le KLab, investissement dans les infrastructures avec 4 500 km de fibre optique installés et une couverture 4G quasi intégrale.

La création prochaine d’un fonds d’investissement de 100 millions de dollars (86 millions d’euros), le Rwanda Innovation Fund, doit venir compléter le tableau.

En tout état de cause, la scène rwandaise des start-up bouillonne (37 millions levés en 2017 d’après Partech Ventures, plaçant le Rwanda à la cinquième place continentale). L’avenir nous dira si le pari d’avoir 100 start-up technologiques valorisées à plus de 50 millions de dollars en 2030 sera tenu.

Le reste du continent, l’Afrique francophone en tête, doit changer de logiciel

Le reste du continent, l’Afrique francophone en tête, doit changer de logiciel. La croissance des investissements dans les start-up entre 2016 et 2017 (+ 53 %, 560 millions de dollars selon Partech Africa) montre qu’un frémissement est en cours.

Aux États de créer des législations adaptées à leurs spécificités nationales pour que l’Afrique devienne le nouveau « start-up continent », où écloront les champions technologiques de demain.

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