Nouvelles polémiques sur le paludisme

Publié le 2 mai 2006 Lecture : 3 minutes.

Le 25 avril, la Journée mondiale du paludisme rappelle que, chaque année, le paludisme continue de tuer entre 1 et 3 millions de personnes dans le monde, mais principalement en Afrique, et provoque environ 500 millions de cas cliniques.
En 1998, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) avait lancé un plan à cinq ans baptisé « Faire reculer le paludisme » (Roll Back Malaria, RBM). L’objectif était de faire baisser le taux de mortalité par paludisme « d’au moins 50 % d’ici à 2010 ».
En avril 2000, le Sommet africain sur la campagne RBM qui s’est tenu à Abuja (Nigeria) admettait que le paludisme n’avait guère « reculé ». Même constatation à l’Assemblée générale des Nations unies en novembre 2002. Dans un entretien avec Jeune Afrique publié en février 2005, le professeur Awa Marie Coll Seck, secrétaire exécutif du Partenariat public-privé RBM, reconnaissait que « le paludisme ne recule pas encore », mais ajoutait que « 2005 serait une année charnière ».

En novembre 2005, la IVe Conférence panafricaine de la MIM (Initiative multilatérale sur le paludisme) réunissait à Yaoundé (Cameroun) plus de 1 500 participants. Elle constatait qu’il existe désormais des moustiquaires durablement imprégnées en voie de distribution, et que la guérison est possible grâce à des combinaisons thérapeutiques à base d’artémisinine (ACT), auxquelles le parasite ne résiste pas, en particulier le Coartem de Novartis et le Coarsucam de Sanofi Aventis.
Dans un Plus publié dans le numéro 2330 des 6-12 novembre, Jeune Afrique écrivait : « L’heure est donc à la mobilisation générale. Celle-ci sera-t-elle enfin suivie d’effets ? »

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La réponse n’est pas encourageante. Les réactions recueillies autour de la Journée du 25 avril 2006 montrent que tous les obstacles sont loin d’être levés, aussi bien au niveau international que sur le terrain.
Un long article signé par douze universitaires internationaux conduits par le juriste Amir Attaram, de l’université d’Ottawa, et publié précisément ce 25 avril par la revue médicale britannique The Lancet accuse la Banque mondiale de n’avoir pas tenu ses promesses de financement de la lutte contre le paludisme. Les crédits qui lui ont été consacrés sont « très inférieurs à l’engagement de 300 à 500 millions de dollars pour la seule Afrique » pris à Abuja.
Ces spécialistes du paludisme soulignent les difficultés qu’ils ont eues à obtenir des données comptables transparentes et reprochent à la Banque d’avoir utilisé des statistiques fausses. Ainsi, au Brésil, la réduction du nombre de cas de paludisme entre 1989 et 1996 ne serait pas de 60 %, mais de 23 %.
Ce même jour, Daniel Vasella, président et administrateur délégué du groupe Novartis, soulignait sans ménagement dans une tribune publiée par Le Monde les difficultés rencontrées au niveau local. Il écrit :

« Malgré nos efforts de production, malgré la fourniture du médicament à prix coûtant, des stocks considérables prêts à l’expédition sont restés dans nos entrepôts. Nous avons fait l’expérience d’un écart gigantesque entre les prévisions qui nous ont été fournies et les commandes réellement passées. [] Aussi affligeant que cela puisse paraître, les efforts de tous les acteurs impliqués ont été rattrapés par l’indigence des systèmes de santé locaux. []
« Dans la plupart des pays africains, la situation du marché ne permet pas de garantir que les médicaments soient commandés et distribués en temps et en heure. Les systèmes de santé sont défaillants, voire inexistants. Les infrastructures et les administrations en charge de ces questions peinent à remplir leurs missions. Aujourd’hui, le paludisme. Demain, le sida, la tuberculose ou la lèpre Pour utiles qu’elles soient, les Journées mondiales ne suffiront pas. Les efforts de l’industrie pharmaceutique seront inefficaces tant qu’ils ne s’inscriront pas dans des structures politiques et de santé stables. Ils n’aboutiront à rien si les gouvernements locaux ne peuvent pas permettre à leurs citoyens d’accéder à l’instruction, à l’eau potable, à la nourriture et aux systèmes rudimentaires de santé publique et d’hygiène.

« La problématique majeure des pays pauvres, en matière de santé, est celle de la gouvernance. Si les grandes sociétés pharmaceutiques ne peuvent nier ni négliger leurs responsabilités, elles sont hélas impuissantes sans la volonté des acteurs locaux. Il faut donc appeler de nos vux une collaboration accrue entre les gouvernements, les institutions internationales, les groupes privés et les sociétés civiles. Sans cette responsabilité mutuelle, rien n’aboutira. »

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