Jean-Philippe Derenne

Chef du service de pneumologie et réanimation à l’hôpital de La Pitié-Salpêtrière (Paris)

Publié le 2 mai 2006 Lecture : 3 minutes.

Sommes-nous à la veille d’un nouveau fléau mondial capable de faucher des vies par millions ? Jean-Philippe Derenne, 64 ans, chef du service de pneumologie et réanimation de La Pitié-Salpêtrière à Paris, qui nous a rendu visite le 24 avril, en est convaincu. Dans Pandémie, la grande menace, coécrit avec François Bricaire, il clame haut et fort que la grippe aviaire pourrait provoquer 500 000 morts, rien qu’en France, si l’on ne se prépare pas à lutter contre une possible transmission du virus H5N1 d’homme à homme. Et s’inquiète davantage depuis que la grippe aviaire est apparue en Afrique et a fait ses premières victimes en Égypte.
Derenne n’a pas sa langue dans sa poche et ne manque pas une occasion de dénoncer l’inertie politique des instances européennes. Son ton alarmant et parfois moralisateur n’est pas pour plaire à tout le monde, les autorités et nombre de ses collègues médecins rejetant son catastrophisme. Mais il n’en a cure : le combat de cet ancien militant du PSU et fondateur du Syndicat de la médecine hospitalière est avant tout politique. Les médecins, selon lui, n’ont pas seulement vocation à accomplir des actes techniques destinés à soulager et à guérir. Une stratégie apparemment payante puisque les autorités françaises viennent d’adopter un plan de prévention prépandémie. Fort de son succès, le professeur n’hésite pas à s’en prendre à ses détracteurs, accusés de corporatisme, et s’agace de leurs querelles intestines sur les risques de pandémie. « Qu’il y ait 5 % ou 30 % de chances qu’elle survienne, c’est la même chose. Nous devons être prêts », assène-t-il. Des attaques que certains lui rendent bien en laissant entendre que cet « oiseau de mauvais augure » a choisi la pneumologie à une époque où la discipline n’intéressait plus grand monde, avec la fin de la tuberculose.
Volontiers railleur sur les sujets scientifiques, le professeur est beaucoup plus enjoué lorsqu’il évoque ses loisirs : la cuisine, la BD, le jardinage, la musique et l’écriture. Il admire le chanteur Pierre Perret et s’est lié d’amitié avec le photographe Jacques Perrez, spécialiste de la Tunisie, ou encore avec le pneumologue tunisien Jalloul Daghfous. Marié à une Sfaxienne dont il a adopté les deux enfants – leur père, Mahmoud Reggui, était un enseignant respecté, un militant proche du grand syndicaliste Habib Achour et un ami de l’écrivain algérien Jean Amrouche -, le professeur aime à se ressourcer dans un pays où il a effectué son service national en coopération (1969-1970). Il y apprécie les bons plats en fin connaisseur. Derenne a déjà publié chez Stock L’Amateur de cuisine (1996), qui a connu un grand succès de librairie, puis La Cuisine vagabonde (Fayard Mazarine, 1999). Un ouvrage où l’auteur part à la quête des saveurs cachées de la campagne, des jardins et des friches, tous ces produits que l’on ne trouve pas sur les marchés comme l’achillée mille-feuilles, les jeunes crosses de fougère, les pavots, les coquelicots et primevères, les piochons (choux verts bretons ou poitevins ) ou les fleurs de courgettes. L’amateur de bonne chère projette, quand le temps lui permettra, de réaliser un thesaurus des savoirs traditionnels des mères et grands-mères tunisiennes. Le dernier numéro du magazine bimestriel français Saveurs le met en scène dans son jardin potager à l’image d’un Jean-Pierre Coffe à qui il ne tient pourtant surtout pas à être comparé. Pas plus qu’à l’urgentiste Patrick Pelloux, qui avait attiré l’attention des pouvoirs publics français sur les conséquences de la canicule lors de l’été 2003.

Intarissable sur les bandes dessinées, Derenne a écrit Un aristocrate en slip, une étude sur Tarzan, et La Mort pour 1,50 F, un travail de recherche sur les fumetti, les BD italiennes. Également parolier de comptines, il est l’auteur, pour le plus grand bonheur de ses sept petits-enfants, de Chansons pour nos chatons n° 6 (Rym musique 1995) et de Toc Toc es-tu là ? (Rym musique 1995). Éclectique, le professeur arbore fièrement sa Légion d’honneur et fréquente un nombre impressionnant de cercles : l’American Thoracic Society, la Royal Horticultural Society, ou encore l’Association des amis du Monastère Saint-Honorat. Où trouve-t-il le temps pour toutes ces activités ? Derenne dort très peu. Tout simplement.

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