Ahmed Zaki

Expulsé de France en 2002 dans le cadre de la « double peine »

Publié le 2 mai 2006 Lecture : 3 minutes.

Ahmed Zaki n’en finit plus de purger la, ou plutôt les peines auxquelles il a été condamné par la justice française. Il y a quatre ans, ce Marocain de 49 ans a été, comme des centaines d’autres immigrés, expulsé vers un pays « étranger » : le Maroc, où il est né, mais qu’il a quitté enfant et où il n’a remis les pieds que deux fois en trente ans.

Il a grandi à Bourges, dans le centre de la France : adolescence difficile, petite délinquance En 1998, il tombe pour trafic de stupéfiants. Trois ans de prison ferme assortis d’une peine d’« éloignement par interdiction du territoire national » (ITN). Il passera trente-deux mois en détention avant de demander une libération conditionnelle qui lui sera refusée… dans son propre intérêt. Le juge craint en effet qu’il ne lui soit « difficile sinon impossible » de se réinsérer au Maroc, « un pays qu’il connaît à peine ». L’échéance est repoussée à juillet 2002. À cette date, Zaki quitte la prison. Conduit à l’aéroport sous escorte policière, il est embarqué de force dans un avion. Destination : Casablanca. On appelle ça la double peine.
À son arrivée à l’aéroport Mohammed-V, il est transféré au commissariat du Maârif et placé en garde à vue. Quand il en sort, il est 3 heures du matin. Il est libre dans une ville qu’il ne connaît pas, sans un sou en poche. Bien sûr, il ne parle pas un mot d’arabe… « Pour vivre, j’ai été contraint de mendier, se souvient-il. Je demandais l’aumône en français. Les gens étaient d’abord interloqués, puis ils me prenaient en pitié. » Il dort d’abord dans les rues de Casa, puis dans le bidonville de Bab el-Qayd, à Salé. Un an de calvaire, il manque de perdre pied : « J’ai rencontré d’autres expulsés. Beaucoup avaient sombré dans l’alcool, voire pire… » Son seul garde-fou : ses deux fils, alors âgés de 10 ans et 13 ans, et sa compagne, séropositive. Tous trois sont restés en France.
En juin 2003, la Fondation Hassan-II pour les Marocains résidant à l’étranger lui propose de l’héberger dans son centre d’accueil de Kénitra. En échange de quelques menus travaux, elle lui verse une indemnité mensuelle de 1 800 dirhams (180 euros) et offre à ses deux fils un séjour au Maroc. Zaki reprend espoir, frappe à toutes les portes et finit par trouver des soutiens : au Mrap, le mouvement antiraciste français, à la Ligue française des droits de l’homme, auprès de la ministre déléguée chargée des Marocains résidant à l’étranger, dans certains médias marocains… Parallèlement, son avocat dépose deux demandes d’abrogation de la peine d’expulsion qui le frappe. Sans succès.

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En novembre 2003, coup de théâtre : Nicolas Sarkozy, le ministre français de l’Intérieur, fait voter une loi abolissant la double peine. Avec effet rétroactif. Aussitôt, Zaki dépose une nouvelle requête, qui, en juillet 2005, est prise en compte, le tribunal estimant que cette expulsion « a porté au droit de l’intéressé et au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ». Fou de joie, Zaki est convaincu de retrouver bientôt les siens.
Il s’empresse de déposer une demande de visa au consulat de France à Rabat. La réponse tombe comme un couperet : demande refusée. Dans un courrier daté du 6 février, les services consulaires lui font savoir qu’ils ne sont pas tenus de justifier leur décision et lui suggèrent d’introduire un recours auprès du tribunal de Nantes, spécialisé dans ce type d’affaires. La procédure peut prendre jusqu’à un an, sans garantie de résultat. Cette fois, c’en est trop : Ahmed Zaki craque. Le 15 février, il entame une grève de la faim devant le consulat. « C’est Driss Benzekri [le président de l’Instance Équité et Réconciliation], qui, au bout de trois jours, m’a convaincu d’arrêter en me promettant de faire de son mieux pour trouver une solution. »
Depuis, rien. « Mes enfants grandissent loin de moi, leur mère est très malade, ça me torture à distance », sanglote le malheureux. Totalement désespéré, il envisage de reprendre sa grève de la faim si aucune bonne nouvelle n’intervient avant l’été.

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