Youssou sur tous les fronts
Omniprésent dans les médias avec la campagne Africa Works de Benetton, le Sénégalais anime le Grand Bal africain à Paris-Bercy le 5 avril, alors que le film Retour à Gorée suit l’artiste sur les traces des esclaves.
Youssou N’Dour, l’homme de toutes les causes, de toutes les campagnes Après Nelson Mandela et Amnesty international dans les années 1980, l’ambassadeur de l’Unicef prête son image à des campagnes contre le paludisme, l’émigration clandestine, réagit au naufrage du Joola. Sa fondation attribue des bourses de formation dans le domaine musical, pour l’éducation en Afrique et pour la démocratisation des nouvelles technologies. Le businessman averti contrôle 60 % de la production phonographique du Sénégal et un groupe de presse employant une centaine de personnes (Radio Futurs Médias et le quotidien L’Observateur).
On en oublierait presque qu’il est avant tout le roi du mbalax Patron d’un établissement chic à Paris (le Jokko, dans le Marais), Youssou N’Dour y est également le promoteur du « Grand Bal », qui réunit depuis 2000 la communauté africaine à Bercy autour de son groupe, le Super Étoile de Dakar, et d’invités surprise. « Cette idée a en fait germé à New York, avec le Great African Ball, qui se tient depuis 1999 », rappelle la star.
Et si les horaires ont été aménagés depuis (jusqu’à 1 heure du matin et non plus toute la nuit, pour des raisons de sécurité), ces Grands Bals, des deux côtés de l’Atlantique, ont vu passer des musiciens comme King Sunny Ade ou Koffi Olomidé, dans une ambiance torride inspirée de celle du Thiossane, sa boîte de nuit du quartier de Grand-Dakar.
« Ici, en Europe, le show est bien plus rodé, tempère un fan, mais le Grand Bal reste une fête indescriptible pour les Africains d’Europe. » En tournée depuis quelques semaines, entouré d’une dizaine de musiciens, la star élue par Time Magazine comme l’une des 100 personnalités les plus influentes au monde offre un spectacle complet, de la ballade « Birima » à l’inévitable « Seven Seconds ». Comme le 8 mars dernier, au Château rouge d’Annemasse archicomplet, où une partie de la communauté africaine de Genève se pressait. Sur le parking, tenues élégantes, rires et excitation des derniers retardataires. Ce soir-là, alors que les musiciens enfilent leur costume de scène, Youssou N’Dour reçoit en coup de vent dans sa loge, quelques minutes avant de monter sur scène
Simple, calme, détendu. Il évoque la campagne de Benetton, qui offre à sa société de microcrédit Birima une visibilité mondiale (voir Jeune Afrique n° 2459). Son morceau du même nom a été repris avec des artistes comme Patti Smith, Irene Grandi, Francesco Renga et Simphiwe Dana. « Benetton nous permet de toucher des sponsors dans le monde entier, se félicite l’artiste. Il faut arrêter avec cette image de l’Afrique qui tend la main, et promouvoir le travail. Trop longtemps, ce sont les gouvernements qui se sont endettés, et l’Afrique avec eux. Avec le microcrédit, les citoyens peuvent prendre l’initiative, montrer et développer le potentiel de l’Afrique. »
Sa communication est si bien orchestrée que deux jours avant le Grand Bal de Bercy sort Retour à Gorée, un « road movie musical » et documentaire, qui suit l’artiste sur les traces des descendants des esclaves africains et de la musique qu’ils inventèrent aux États-Unis, le jazz (voir encadré). Au départ de cette aventure, une rencontre dans un avion avec le pianiste suisse d’origine tunisienne, Moncef Genoud.
« Nous avons commencé à réarranger mon répertoire en jazz pour le festival de Cully, en Suisse, dès 1999 », se souvient celui que tout-Dakar surnomme You Prémices d’un film où l’on suit ces deux protagonistes en Europe et aux États-Unis, avant un concert exceptionnel sur l’île sénégalaise qui devint le symbole de l’esclavage.
On découvre à leurs côtés le batteur converti à l’islam Idriss Muhammad, né Léo Morris en 1939 à la Nouvelle-Orléans, accompagnateur historique du saxophoniste Pharoah Sanders et du pianiste Ahmad Jamal.
L’an dernier, avant le concert du Retour à Gorée Jazz Project à Montreux, Youssou N’Dour improvisait une marche de sensibilisation à la situation au Darfour Engagement d’un jour, engagement toujours.
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