Une langueur franco-africaine

Publié le 31 mars 2008 Lecture : 2 minutes.

Donc, à Dakar, nous avions eu droit à un grand discours présidentiel sur « les difficultés de l’homme africain à entrer dans l’Histoire ». Au Cap, plus récemment, ce fut, au contraire, une belle envolée sur « les promesses de l’Afrique » et la proposition, audacieuse, de réviser les accords de défense qui lient la France à la plupart de ses anciennes colonies. Entre-temps, nous eûmes droit à une posture complexe sur l’affaire tchadienne. De l’audace encore sur le dossier de l’Eufor et du Darfour, et des drôles d’arrangements (et des hésitations) pour assurer la survie d’Idriss Déby Itno. Puis ce fut une polémique franco-gabonaise bien sentie sur les questions d’immigration et sur les biens supposés du président Bongo Ondimba en France.
Chapitre suivant, après les élections municipales, le ministre de la Coopération, qui incarnait une possibilité de rupture, au moins dans le ton, fut gentiment remercié et sacrifié sur l’autel du réalisme. Jean-Marie Bockel s’était, il est vrai, laissé aller à vertement critiquer les excès de la Françafrique, et à exiger « son acte de décès ». Le voilà donc muté aux Anciens combattants, domaine par définition bien plus tranquille. Un proche du président, Alain Joyandet, est nommé Rue Monsieur, on revient à la case départ avec une politique africaine qui se fait à l’Élysée.
On regarde tout cela avec un certain intérêt. Mais on se demande tout de même : quelle politique africaine ? Y a-t-il encore une politique africaine de la France ?
Vu d’Afrique, les réponses sont assez simples.
La politique africaine de la France, ce sont les visas impossibles à obtenir. La politique africaine de la France, c’est l’obsession du contrôle migratoire, incarné par le « ministre des expulsions » Brice Hortefeux.
La politique africaine de la France, c’est « business as usual », mais plus de grande ambition sur les questions de développement. Plus de grand concept stratégique pour que la France soit justement la puissance partenaire de l’Afrique subsaharienne.
La politique africaine de la France s’est noyée dans le magma bureaucratique européen. La politique de la France, c’est, d’ailleurs, l’accent mis avec insistance par Nicolas Sarkozy sur l’Union méditerranéenne.
De Paris, l’Afrique est souvent perçue à travers ses problèmes, la pauvreté, la misère, le désordre Par le biais de clichés, de caricatures sur le pouvoir : tous corrompus, tous dictateurs.
Tout cela n’est pas entièrement faux, mais ce n’est qu’une partie de l’Afrique. De Pékin, notre continent est vu à travers le prisme de ses immenses possibilités. De Moscou aussi, de New Delhi et de Brasília également L’Afrique, c’est certainement la nouvelle frontière de la globalisation. Elle dispose de richesses, d’énergie, de matières premières (dans un monde qui en est de plus en plus dépourvu). La démocratie progresse. Une nouvelle génération arrive et s’installe. C’est un marché et un enjeu stratégiques.
Signe peut-être d’une langueur, d’une lassitude, d’un déclin qui n’ont au fond rien à voir avec l’Afrique, la France abandonne progressivement un marché, des opportunités et surtout ce qui fait d’elle une puissance encore un peu mondiale.

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