Sifca s’allie à des géants asiatiques

Pour relancer la filière oléagineuse en Afrique de l’Ouest, le premier groupe privé ivoirien s’associe à deux spécialistes de l’agribusiness basés à Singapour.

Publié le 31 mars 2008 Lecture : 3 minutes.

Et si l’avenir des oléagineux ivoiriens s’était joué la semaine dernière à Singapour ? À l’invitation des dirigeants de Wilmar International Ltd et d’Olam International Ltd, deux leaders de l’agrobusiness mondial, la cité-État a reçu, le 25 mars, une délégation industrielle emmenée par Jean-Louis Billon, président de Sifca, premier groupe privé de Côte d’Ivoire, et Angora Tano, directeur général de Palmci, qui concentre les deux tiers de l’appareil national de production d’huile de palme (9 huileries et 35 000 ha de plantations industrielles). Au menu des réunions : la finalisation d’un ambitieux partenariat de développement en Afrique. En discussion depuis plus de dix-huit mois, ce projet de rapprochement avait connu une première étape concrète en novembre 2007 avec le lancement de Nauvu Investments, une société portée sur les fonts baptismaux par Olam et Wilmar, qui détiennent chacun 50 % du capital.
Cette coentreprise ne relève en rien du hasard. Wilmar, premier producteur mondial d’huile de palme, maîtrise un savoir-faire précieux dans la conduite des plantations et la transformation des oléagineux. De son côté, Olam possède de redoutables capacités de négoce, de distribution et de gestion des risques de crédit en Asie, en Europe et en Afrique, dont elle connaît bien les marchés. Les deux partenaires ont décidé de s’allier à Sifca pour mener à bien leurs projets. L’approche du triumvirat, qui a reçu la bénédiction de la présidence ivoirienne, est simple : combiner les compétences de chacun pour se positionner en leader régional dans les secteurs oléagineux, sucrier et du caoutchouc naturel en maintenant l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement, depuis la plantation en amont, jusqu’à la transformation et à la distribution, en aval. Pour ce faire, Nauvu prévoit d’acquérir 25 % du capital du groupe Sifca pour 132 millions de dollars et de prendre une participation majoritaire de 50,5 % dans Newco, une société devant naître de la fusion des activités de raffinage d’huile de palme de Sifca et de production d’huile de table d’Unilever Côte d’Ivoire. Coût de l’investissement : 45 millions de dollars. La troisième transaction porte sur l’acquisition de 16,65 % des parts de Palmci aux côtés de Sifca, qui projette d’en posséder 51 %. Cette fusion n’aurait pas été possible sans la volonté de retrait, pour des raisons de stratégie globale, du groupe néerlandais Unilever, qui vendra ses actions dans Palmci à Sifca. Une partie des produits devrait toutefois continuer à être commercialisée sous les marques du géant de l’agroalimentaire.

Conquérir le marché nigérian
Alors que la production ouest-africaine d’huile de palme diminue de 0,2 % par an tandis que la production mondiale augmente de 3 % à 4 % (voir courbes), la proposition asiatique arrive à point nommé pour tenter de relancer la filière. Elle n’a toutefois rien d’une opération désintéressée : « Limités chez eux par la pression foncière et le manque de main-d’uvre agricole, les groupes asiatiques misent sur l’Afrique, qui dispose d’importantes réserves forestières et d’ouvriers agricoles bon marché, explique un banquier d’Abidjan. Et puis le contexte est favorable : les cours des matières premières devraient continuer à progresser avec la hausse de la demande mondiale. » Olam et Wilmar ont fait leurs calculs. L’Afrique de l’Ouest accuse actuellement un déficit annuel de 500 000 tonnes d’huile oléagineuse qui passerait, en 2020, à 1,5 million de tonnes. Angora Tano a pris les devants. Il a annoncé le 5 février la mise en uvre d’un plan palmier à huile pour relancer l’activité. Objectif : atteindre une production de 600 000 tonnes d’huile par an en 2012, contre 320 000 tonnes depuis une dizaine d’années. « Nous allons mettre l’accent sur l’accroissement des rendements dans les plantations villageoises en les faisant passer de 5 tonnes à 15 tonnes à l’hectare et les unités industrielles de 10 à 20 », explique le DG de Palmci. Son plan prévoit également l’extension des plantations et la réhabilitation des usines acquises par l’entreprise au lendemain de la privatisation. L’objectif étant d’atteindre une production de plus de 1 million de tonnes à l’horizon 2020. Le nombre des planteurs passerait alors de 30 000 à 100 000. Mais Wilmar, Olam et Sifca voient bien plus loin. Ils comptent relancer la production en Guinée, au Liberia et conquérir le marché nigérian. « Nauvu nous ouvre la voie du premier consommateur et producteur d’Afrique », explique-t-on chez Olam. D’autres développements sont possibles, comme la production de biocarburants à partir du palmier à huile, dont Wilmar est le leader mondial. De premiers essais ont eu lieu discrètement en Côte d’Ivoire. Les spécialistes sont optimistes : « Les ménages à trois sont toujours difficiles, mais celui-là pourrait réussir. »

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