Musée à ciel ouvert

Art déco, style néoclassique ou néomauresque… la ville blanche possède un patrimoine unique au monde. Mais il est menacé par la spéculation immobilière.

Publié le 31 mars 2008 Lecture : 3 minutes.

Casablanca est un véritable livre à ciel ouvert sur l’architecture. Un livre dont on aurait parfois du mal à lire les pages tant elles sont jaunies. Pourtant, la capitale économique du Maroc est une création urbaine unique du XXe siècle. L’aventure a commencé en 1907, avec l’élite des architectes et urbanistes arrivés dans les bagages du maréchal Lyautey. « Il a voulu faire entrer le Maroc dans la modernité, raconte Rachid Andaloussi, architecte casablancais passionné par le patrimoine de sa ville. Casablanca a été l’un des premiers laboratoires d’urbanisme. » Bien avant la France, elle a connu l’immatriculation des bâtiments et leur enregistrement au cadastre, les permis de construire, les titres fonciers Il fallait ériger une ville moderne et avant-gardiste.
Une balade le nez en l’air dans les rues de Casa ressemble à un film sur l’évolution de l’art déco et de l’architecture moderne : les façades blanches aux angles travaillés s’épurent ou se marient avec les arts décoratifs traditionnels marocains. De cette rencontre de styles sont nés de purs chefs-d’uvre, à l’image de l’actuelle wilaya (préfecture) ou du consulat de France. Au détour d’une rue, quelques survivances néoclassiques ou néomauresques s’offrent aussi au regard. Et, parmi ces vagues d’influences successives, surgit un grand vaisseau blanc aux angles arrondis, aux lignes horizontales et à la façade lisse : l’immeuble Liberté, pur symbole du style « paquebot » des années 1930.
Jusqu’à la fin des années 1960, Casablanca jouera ce rôle de laboratoire architectural. « On y a fait de multiples expériences sur l’habitat, s’enthousiasme Abderrahim Kassou, architecte de profession et président de Casa Mémoire, une association qui lutte pour préserver le patrimoine de la ville. Casablanca possède des perles de l’architecture moderne. » Sans oublier le travail de Jean-François Zevaco et son style destructuré préfigurant celui de Frank O. Gehry, l’homme qui a dessiné le musée Guggenheim de Bilbao (Espagne).
Las, des pans entiers de l’histoire de Casablanca ont succombé aux assauts des bulldozers et de la spéculation immobilière. Néanmoins, ces dernières années, le souci de préservation de ces bâtiments a dépassé le petit cercle des amateurs et des spécialistes pour s’étendre au domaine public. De nombreux édifices sont à présent inscrits sur une liste du ministère de la Culture. La moindre modification doit faire l’objet d’une autorisation. Mais la méthode a ses effets pervers. Cette inscription ne concerne qu’une infime partie des trésors de la ville blanche. Les autres sont toujours à la merci des promoteurs qui s’empressent souvent de les raser tant qu’il est encore temps. Parmi les dernières victimes, les anciens magasins et entrepôts « Henry Hamelle », démolis entre le 27 et le 28 décembre 2007, au moment où tout le monde était occupé par les fêtes de fin d’année.

Fièvre acheteuse
« Si ces bâtiments n’avaient pas d’intérêt particulier de prime abord, ils s’inscrivaient dans un ensemble urbain, précise Abderrahim Kassou. C’est cet ensemble urbain qui fait toute la richesse de Casablanca et qu’il faut préserver. » Son association milite d’ailleurs pour que l’inscription se fasse par zone et non par édifice afin de préserver cette cohérence. Mais il y a aussi un long travail de réhabilitation à mettre en uvre. Si la structure des bâtiments a résisté au temps, leurs façades sont souvent noircies par la pollution, fissurées, abîmées Petite lueur d’espoir : le plan de développement touristique de la ville promet une réhabilitation de son âme architecturale. En attendant que les autorités trouvent les outils nécessaires, des particuliers les ont devancées. Passionnés et architectes commencent en effet à acheter dans les vieux quartiers de Casablanca.

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