Les hommes du président

Un an après son élection, Sidi Ould Cheikh Abdallahi continue de s’appuyer sur des « techniciens » plutôt que sur des figures politiques. Au point que certains parlent de rupture avec les pratiques d’antan.

Publié le 31 mars 2008 Lecture : 4 minutes.

Le cabinet de Sidi Ould Cheikh Abdallahi, c’est un peu comme une colonie de fourmis ouvrières : chacun accomplit sa tâche et aucune tête ne dépasse. Depuis son élection, le 25 mars 2007, le palais présidentiel n’a plus rien de ce Versailles des sables où le « roi » Maaouiya, au gré d’un caprice ou de quelque nouvelle tactique, faisait et défaisait sa cour. Constitué dans la foulée de l’investiture, le cabinet de « Sidi » n’a subi aucun changement depuis septembre : une vingtaine de conseillers, dont trois femmes, répartis en huit cellules (politique, économique, juridique, diplomatique, communication, infrastructures, affaires islamiques, affaires sociales). Chacune est conduite par un conseiller principal, un haut fonctionnaire le plus souvent. Le tout est chapeauté par un directeur de cabinet, Mohamed Ould Amajar, ancien cadre de la Banque islamique de développement (BID), que le chef de l’État a connu pendant son exil au Niger (de 1989 à 2003). Parallèlement, la présidence est dirigée par un ministre secrétaire général, Yahyah Ould Ahmed el-Waghf, ex-DG d’Air Mauritanie.
Technocrate, affilié à aucun parti, le « président du changement » – son slogan de candidat – ne s’est pas entouré de figures politiques mais plutôt de techniciens piochés dans les cabinets des administrations précédentes et d’affidés qui ont fait leurs preuves pendant la campagne. Comme Mamadou Bathia Diallo, conseiller principal aux affaires sociales et juridiques, et ancien conseiller de l’ex-Premier ministre Sidi Mohamed Ould Boubacar, ou encore Idoumou Ould Mohamed Lemine, chargé de la communication pendant la course à la présidentielle et aujourd’hui conseiller principal à la communication. « C’est l’expertise qui a guidé la composition du cabinet, témoigne Bathia Diallo. On ne fait pas de politique. »

Fini le copinage ?
Rupture avec les murs d’antan ? Toujours est-il que les parents, la tribu, les amis n’ont pas eu droit de cité. À quelques exceptions près. D’abord, Amal Mint Cheikh Abdallahi, la fille du chef. Trentenaire, la jeune femme est membre de la cellule communication. Népotisme ? À Nouakchott, on n’ose prononcer le mot, arguant de la « maturité », de l’« intelligence », de la « capacité d’écoute » de cette titulaire d’un diplôme d’études approfondies (DEA). Ahmed Khilly Ould Cheikh Sidiya, conseiller principal pour la politique, tranche lui aussi avec l’équipe de « jeunes loups » qui s’affaire autour du maître : c’est un camarade que « Sidi » a connu à l’époque de Moktar Ould Daddah – le premier président mauritanien, renversé en 1978 -, durant laquelle il fut ministre du Développement industriel, puis de l’Économie nationale.
Bref, la « clique Cheikh Abdallahi » est introuvable. Pour beaucoup, le « marabout » – le chef de l’État est un membre éminent de la confrérie tidjane – applique aux relations humaines la sobriété de sa vie quotidienne, faite de réflexion, d’écoute et de prière. « Nous, ici, on cherche qui sont ses hommes, se demande Mohamed Fall Ould Oumère, directeur de la rédaction de La Tribune. Il donne l’impression de se tenir à égale distance de tous ses collaborateurs. » Pourtant, comme plusieurs de ses conseillers l’admettent, l’homme est accessible et ne refuse jamais une audience. Mais il s’en tient à des relations strictement professionnelles. Même avec les deux « produits » qu’il a importés du Niger, son directeur de cabinet, Mohamed Ould Amajar, et le ministre de l’Économie, Abderrahmane Ould Hamma Vezaz. Quelques « cousins » auraient toutefois été nommés ici et là dans des administrations : notamment à la Banque centrale de Mauritanie, au Port de Nouakchott, à la Société nationale d’eau (SNDE). « Mais on ne peut pas parler de mainmise », estime un observateur.
Habitués au copinage et aux promotions tribales, certains sont déroutés : « Sidi, c’est comme un magicien, s’amuse un membre du cabinet du Premier ministre Zeine Ould Zeidane. On ne peut jamais savoir qui il va sortir de son chapeau. » D’autres prétendent n’être pas dupes, qui voient dans la neutralité actuelle une simple étape vers la politisation de l’entourage du président. Fin janvier, en effet, est né le Parti national pour la démocratie et le développement (PNDD), une formation censée fixer les députés « indépendants » qui ont soutenu le président pendant la campagne et lancer une dynamique de regroupement autour de lui. Son chef n’est autre que Yahyah Ould Ahmed el-Waghf. Cadre réputé compétent, sans passé politique, appartenant à une tribu minoritaire en Mauritanie – les Tourkez -, il a connu « Sidi » peu avant son élection. « Yahyah est dans l’ombre du président, c’est un fidèle qui lui doit tout », témoigne un proche. Homme de confiance du chef de l’État – il a piloté la délicate opération du retour des réfugiés -, il bat le rappel des troupes sans relâche pour gonfler les rangs du PNDD. Parmi ceux qui ont répondu présent, Ahmed Ould Sidi Baba, un cacique de la vie politique, qui a traversé les règnes de Moktar et de Maaouiya sans jamais rien perdre de son charisme ni de son influence. Il a dissous sa formation, le Rassemblement pour la démocratie et l’unité (RDU), dans le PNDD, dont il est membre du conseil exécutif. Ahmed Baba Ould Miské, autre figure de l’indépendance, s’est également encarté et occupe le poste de porte-parole.

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Une épouse omniprésente
Si la famille se compose, elle le fait timidement. Ses liens sont pour le moment ténus. Le seul véritable « homme » du président, celui qui est de pratiquement tous ses voyages, son double, c’est finalement son épouse. Khattou Mint el-Boukhari, omniprésente sur la scène nationale grâce à KB, la fondation caritative qu’elle a créée pour « venir en aide aux populations les plus démunies », est sur toutes les photos et tous les fronts : assistance aux sinistrés d’inondations, distribution d’eau potable, organisation d’un concours de poèmes. Les bouches se musellent à l’évocation de son nom et de la possibilité que son association soit une machine à soutenir son époux. Comme si parler de la première dame c’était déjà parler du chef de l’État.

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