Le hooliganisme passe au stade supérieur

À Casablanca, mais aussi dans les autres grandes villes du pays, des jeunes « supporteurs » chauffés à blanc profitent des matchs de football pour donner libre cours à leurs pulsions destructrices. Un phénomène d’autant plus inquiétant qu’il prend de l’am

Publié le 31 mars 2008 Lecture : 3 minutes.

C’est devenu un triste rituel. À chaque rencontre de football organisée au stade Mohammed-V, à Casablanca, les habitants et commerçants alentour prennent certaines précautions. Les premiers garent leur véhicule le plus loin possible et évitent de flâner dans les environs, les seconds ferment leur boutique. Les récents méfaits des « supporteurs » du Raja et du WAC, les deux grands clubs de la métropole économique, ont laissé des traces. Le 20 octobre dernier, à l’occasion d’un match de la Coupe du trône, le derby casablancais avait tourné au désastre. Outre les traditionnelles dégradations à l’intérieur du stade – sièges arrachés notamment – et des dégâts occasionnés aux biens privés et publics à l’extérieur, un jeune supporteur était décédé en tombant d’un bus, dans le quartier de Sidi Bernoussi. Et vingt-sept personnes, dont trois policiers, avaient été grièvement blessées. « C’est une violence qui est surtout le fait de garçons très jeunes », explique Mohamed Bouarab, journaliste sportif au quotidien casablancais Libération. « La plupart d’entre eux ont 15 ou 16 ans. Certains sont même moins âgés. Ils viennent le plus souvent des quartiers populaires, et leur seule motivation est la casse. Le football est secondaire. Ils viennent affronter les forces de l’ordre et dégrader les biens d’autrui. Et aussi se battre entre eux. » En octobre, des bus de la société M’Dina Bus avaient subi d’importants dégâts, chiffrés à environ 1 million de dirhams (100 000 euros).

Amendes et prison ferme
Malgré l’important dispositif policier mis en place dès le matin lors des rencontres à risques, les violences continuent. Toujours en octobre, le match de championnat entre le Raja et Meknès s’était lui aussi déroulé dans un climat détestable. Après les graves incidents d’octobre à Casa, les autorités avaient frappé fort. Plusieurs casseurs ont écopé de peines de prison de plusieurs mois, assorties d’une amende assez lourde (1 000 dirhams). Mais cela n’a pas eu l’effet dissuasif escompté. « Le problème ne concerne pas seulement les grandes villes, ajoute Mohamed Bouarab. On parle de la violence de certains supporteurs du WAC et du Raja, mais il ne faut pas oublier que ce sont ceux des FAR Rabat qui sont considérés comme les plus durs. Des cas de violences sont enregistrés un peu partout, y compris au niveau amateur. »
Pourtant, le journaliste rechigne à employer le terme de hooliganisme, tel qu’on l’entend en Europe, où le phénomène des fights (bagarres organisées à l’avance par des groupes de supporteurs qui ont lieu souvent loin des stades) est devenu un « art de vivre ». « Bien sûr, explique Mohamed Bouarab, ils savent ce qui se passe en Europe. Mais ici, comme sans doute dans d’autres pays d’Afrique du Nord, cette violence est davantage l’expression d’un malaise social. Les casseurs sont très jeunes – même si on peut trouver des adultes parmi eux – et très pauvres. » Constituent-ils pour autant des proies faciles pour les islamistes radicaux, qui recrutent surtout dans les quartiers défavorisés ? « Sincèrement, leur niveau d’instruction est tellement bas que je ne les vois pas répondre à des motivations politiques ou religieuses », estime Mohamed Bouarab.
Face à ces violences, les pouvoirs publics ont mis en place une batterie de mesures dont on pourra évaluer l’efficacité à moyen terme. Les mineurs non accompagnés ne peuvent plus – en théorie – pénétrer dans l’enceinte des stades, la vidéosurveillance et la présence policière ont été renforcées, et les fauteurs de troubles sont systématiquement traduits en justice. D’autres mesures de sécurité, évidentes en Europe, et qui incombent à la Fédération marocaine de football, devraient être respectées, telles que la numérotation des places et l’impression d’un nombre de billets égal à la capacité d’accueil des stades. À Casablanca, l’annonce de la construction d’un grand stade dans le quartier de Sidi Moumen, plutôt qu’à Bouskara, situé sur la route de l’aéroport, a été accueillie comme un soulagement par les habitants des environs du stade Mohammed-V où le prix du mètre carré est en chute libre.

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