Le français, c’est « so chic »
Dans cet émirat où vivent quelque 200 000 francophones, la langue de Molière connaît un engouement exceptionnel. Chez les femmes en particulier…
Publié le 31 mars 2008 Lecture : 3 minutes.
Célébrée pour la première fois dans un pays du Golfe, la Semaine de la Francophonie s’est déroulée du 16 au 19 mars à Abou Dhabi en présence du secrétaire général de la Francophonie, Abdou Diouf. Elle s’est articulée autour de plusieurs événements culturels, dont l’inauguration d’une exposition du peintre tunisien Nja Mahdaoui et la remise du premier prix de la traduction, créé en partenariat avec l’Organisation arabe pour l’éducation, la culture et les sciences (Alecso), qui a récompensé les travaux du Centre de recherche et de coordination scientifiques (Cercos) au Maroc pour l’ouvrage du Marocain Mohamed Abed Al-Jabri, La Raison politique en islam (La Découverte, 2007).
Le choix d’Abou Dhabi pour accueillir la manifestation n’est pas fortuit. On estime que 80 % de la communauté francophone de tout le Golfe – évaluée à 250 000 locuteurs – y est établie. « Depuis 2002, explique Leila Kernoua, directrice de l’Alliance française à Abou Dhabi, avec l’implantation de la Sorbonne et de nombreuses entreprises comme Saint-Gobain ou BNP Paribas, on constate une forte demande francophone. Les cours collectifs pour les entreprises et pour l’hôtellerie sont très recherchés. »
Alors que techniciens et enseignants de langue française affluent, le nombre d’expatriés ne cesse d’augmenter en raison de l’arrivée de jeunes Français à la recherche d’un emploi. Ces « électrons libres » échappent souvent aux statistiques et ne se manifestent qu’à l’occasion d’un problème ou d’une actualité liée à la France. C’est ainsi que les autorités consulaires se sont aperçues lors de la visite du président Sarkozy, en janvier dernier, que le chiffre de 4 000 expatriés inscrits sur leurs registres n’était que la moitié du chiffre réel.
Par ailleurs, la présence des communautés maghrébine et libanaise soucieuses de transmettre le français à leurs enfants explique le besoin grandissant d’infrastructures scolaires. Aux lycées Louis-Massignon et Théodore-Monod, saturés, s’ajoutera en septembre prochain un autre groupement scolaire situé à Al-Aïn, sans compter l’Université de la Sorbonne, qui tourne déjà avec 300 étudiants dans des locaux provisoires.
Langue de prestige
L’Alliance française, qui ici joue également le rôle de centre culturel, se prévaut de quelque 1 200 étudiants de 60 nationalités différentes. Parmi eux, 40 % de Libanais, 20 % de Maghrébins et pas moins de 30 % d’Émiratis.
À l’origine de ce boom de la langue française, plusieurs facteurs inhérents au pays lui-même. L’anglais étant désormais considéré comme « la deuxième langue arabe », il importe d’en apprendre une autre, le français en l’occurrence, perçu, quant à lui, comme « la langue de prestige ». Le 11 Septembre est passé par là aussi, la guerre en Irak ayant échaudé les partisans de la culture anglo-saxonne. Par ailleurs, il est de notoriété que feu Cheikh Zayed, fondateur de l’Émirat, avait un faible pour la culture française, dont il aimait s’entretenir avec l’ex-président Jacques Chirac, un penchant qu’il semble avoir légué aux princes et princesses de sa lignée.
Les femmes s’y mettent aussi, qu’elles soient des francophones convaincues comme la mécène Hoda Kanoo, cheville ouvrière de la Semaine francophone locale, ou des princesses qui adorent la France et qui répondent, lorsqu’on leur demande pourquoi elles veulent apprendre le français : « C’est so chic ! » Ces dames, plus libres que leurs voisines saoudiennes, prennent des cours particuliers afin de posséder les rudiments nécessaires pour s’adresser à une vendeuse des Galeries Lafayette ou lire le menu d’un restaurant parisien.
La vie privée de Nicolas Sarkozy a également dopé la Francophonie : les dames du palais veulent tout savoir sur Cécilia – dont elles admirent le geste courageux consistant à abandonner le pouvoir pour l’amour – et engagent volontiers des professeurs pour leur lire dans le texte les livres sur l’ex-première dame de France.
