La presse, victime collatérale

Publié le 31 mars 2008 Lecture : 2 minutes.

Le Tchad est-il en passe de devenir un trou noir de l’information ? Depuis l’attaque ratée des rebelles sur N’Djamena, le 2 février, tout indique que le régime cherche à écarter les témoins gênants, envoyés spéciaux de la presse internationale ou journalistes locaux. Le 17 mars, la correspondante de RFI et de l’AFP, la Française Sonia Rolley, a vu son accréditation « définitivement retirée ». Sans explication.
Que lui reproche-t-on ? Officiellement, rien. En réalité, « au bout de dix-huit mois dans le pays, elle connaissait trop de gens et trop de choses », confie un proche du régime. « J’ai très clairement fait savoir aux autorités tchadiennes que l’expulsion d’un journaliste serait un signal extrêmement désastreux », avait pourtant déclaré Nicolas Sarkozy, lors de sa visite controversée à N’Djamena, le 27 février. Rien n’y a fait : Idriss Déby Itno ne veut plus de journalistes étrangers dans son pays.
Ce huis clos entre le régime et la presse tchadienne n’annonce rien de bon. Le temps est loin (1994) où l’Assemblée nationale adoptait une loi libérale. Depuis quelques années, le chef de l’État s’efforce de renforcer son arsenal répressif. Deux fois, il a tenté de faire passer une nouvelle loi. Deux fois, les députés ont résisté. Alors il a profité de l’état d’urgence qui a suivi la bataille de N’Djamena Le 20 février, la loi de 1994 a été abrogée. Par ordonnance.
Que dit cette ordonnance ? Que dorénavant la création d’un journal ou d’une radio privée est soumise à autorisation administrative – une forme de censure préalable. Et surtout, que « l’offense au chef de l’État », « l’atteinte à la sûreté de l’État » et « la collaboration avec l’ennemi » sont des délits de presse passibles d’emprisonnement. Le Niger ferait-il école ?
Nombre de journalistes tchadiens craignent que les poursuites judiciaires engagées contre Moussa Kaka, le correspondant de RFI à Niamey, pour « complicité d’atteinte à l’autorité de l’État » aient donné de mauvaises idées à leur gouvernement. « Les dispositions de cette ordonnance laissent la porte ouverte à toutes les interprétations, s’alarme Oulatar Bégoto Yaldet, le directeur de publication de N’Djamena Hebdo. Désormais, si l’on parle des rebelles ou si l’on publie une photo d’eux, on devra rendre des comptes. »
Cinq journaux (N’Djamena Hebdo, Le Temps, Notre Temps, L’Observateur, Le Miroir) et une radio privée (FM Liberté) ont donc eu l’idée de faire paraître, le temps d’un numéro, un journal en commun, Le Journal des Journaux. Le 28 mars, sauf saisie, dix mille exemplaires devaient être mis en vente à N’Djamena. L’ONG française Reporters sans frontières a pris en charge les frais d’impression. « Notre objectif, explique-t-elle, est de présenter un front commun pour interpeller le gouvernement tchadien sur la disparition de la presse privée. »

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