Hillary a-t-elle perdu ?

Publié le 31 mars 2008 Lecture : 3 minutes.

Et, qui plus est, les adversaires sont nus ! Cela fait en effet belle lurette que les deux candidats à l’investiture démocrate pour l’élection présidentielle américaine n’en sont plus à polémiquer sur la réforme de l’assurance maladie ou le retrait des troupes d’Irak. Soit parce que les divergences sur le fond sont trop subtiles pour permettre à l’opinion d’y voir clair ; soit parce que l’un et l’autre redoutent de se lier les mains dans l’avenir en se laissant aller à de dangereuses surenchères.
Dans le camp démocrate, on s’est donc débarrassé des dossiers compliqués pour ne s’intéresser qu’à l’essentiel : « l’autre », sa personne, son sexe, sa peau. C’est Hillary qui a tiré la première en affirmant que l’ancien président Johnson avait sans doute davantage uvré, en 1964, pour l’avènement des droits civiques et l’émancipation des Noirs que le héros affiché de son rival Barack, le pasteur Martin Luther King. La polémique, en s’égarant dans de fétides fondrières – la consommation de drogue du jeune Obama, conforme aux pratiques de son milieu -, fit comprendre aux deux rivaux que les attaques sur la race sont difficiles à gérer. On ne peut pas exclure qu’à l’instar d’un coup de vent pervers ramenant les gaz mortels sur l’agresseur, une insinuation ou une attaque sur la couleur de peau ne cause davantage de dégâts à son auteur qu’à sa victime désignée.
Du coup, ce sont les porte-flingues – on les qualifie de « conseillers » dans les équipes de campagne – qui montent en ligne. Geraldine Ferraro, membre du staff financier d’Hillary, en remet une couche sur le thème de « Si-Barack-n’était-pas-noir-il-n’aurait-aucune-chance-d’être-là-où-il-est ». Coïncidence, ou sanction immédiate, le 11 mars ? Le Mississipi bascule en faveur d’Obama ! Désormais, même si Hillary Rodham Clinton devait remporter les dix derniers scrutins, elle serait encore à court de délégués pour l’emporter sur son challengeur. Seule une manuvre consistant à convaincre les « superdélégués » – les cadres et élus du parti démocrate, libres de déterminer leur vote quel que soit le résultat des primaires – de lui accorder leur soutien lui permettrait encore de sauver la mise (moins de 10 chances sur 100, selon les experts).
Plutôt que de sonner l’armistice en reconnaissant, sinon déjà sa défaite, du moins sa dégringolade, la sénatrice de New York choisit de concentrer sa puissance de feu sur la cible que lui offrent les propos iconoclastes du pasteur Jeremiah Wright. Le « pasteur d’Obama » s’est abondamment répandu sur le « terrorisme américain », responsable, à ses yeux, des attentats du 11 Septembre. « Que Dieu maudisse l’Amérique », a-t-il lancé.
Prenant en compte la leçon du passé, Hillary multiplie les précautions oratoires : « Nous n’avons pas le choix en ce qui concerne nos familles, mais nous avons le choix quand il s’agit de l’Église que nous fréquentons », déclare-t-elle.
La riposte n’a pas tardé, sous la forme d’un crochet venu de l’autre bout du ring : Hillary aurait été bien avisée de ne pas fanfaronner avec le récit de son voyage en 1996 à Tuzla, en Bosnie ! Le clan Obama diffuse largement les images sereines de l’épouse de Bill-président recevant un bouquet des mains d’une petite fille quand la version de la candidate fait état d’une mission dangereuse, de snipers cachés et de gilets pare-balles
Les bleus s’accumulent donc sur les corps tuméfiés des concurrents. Ils ne s’obstinent pas moins à s’étriper sous le regard satisfait de leur véritable adversaire, le républicain John McCain, qui n’a, lui, rien à craindre des conservateurs rassemblés autour de sa candidature. Les cicatrices qu’il arbore lui viennent du Vietnam, pas des siens !

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires