Construire à tout prix

Alger, Casablanca, Rabat, Tunis Sous l’impulsion des pouvoirs publics, les projets et les investissements se multiplient. Principaux bénéficiaires de ce boom sans précédent : le logement et l’urbanisme, le tourisme et les transports.

Publié le 31 mars 2008 Lecture : 5 minutes.

S’il est un pays d’Afrique du Nord qui est devenu le symbole du boom des infrastructures sur le continent, c’est bien le Maroc. En quelques années, le royaume chérifien s’est transformé en un vaste chantier, pour répondre au déficit de logements et au développement du tourisme mais aussi, et surtout, en raison des immenses opérations développées sous l’égide de l’État. Parmi les plus grands projets, le programme « Ville sans bidonvilles », parrainé par le roi, vise à faire disparaître l’habitat insalubre, environ 1,4 million de Marocains vivant dans un millier de bidonvilles, dont l’essentiel se situe entre Casablanca, Rabat et Kénitra. Conséquence directe de cette politique, des villes nouvelles fleurissent aux portes des grandes métropoles du pays et, rien qu’en 2006, 115 000 logements auraient été construits dans ce cadre.
S’il y est de moindre ampleur, le phénomène n’en est pas moins réel dans l’une des autres capitales du Maghreb, Tunis. Des quartiers entiers, comme celui d’Ennasr, sont nés au cours des dernières années pour loger la classe moyenne dans de grands immeubles. Ici, comme dans un autre quartier en plein développement, celui des Berges du lac, les grues ont envahi le ciel tunisien. En réponse à des besoins différents toutefois : les Berges du lac étant la nouvelle terre de prédilection des entreprises de services. Dans son Plan complémentaire de soutien à la croissance, l’Algérie a elle aussi décidé de mettre le paquet sur le développement de l’habitat, avec plus de 1,2 million de logements à construire entre 2005 et 2009

Grandes villes en mouvement
Pris dans la course à la construction résidentielle, Alger et Rabat doivent aussi rattraper leur retard en matière d’infrastructures, notamment par rapport à un voisin tunisien dont l’effort dans le domaine a été plus précoce et continu. Depuis plusieurs années, l’Algérie comme le Maroc ont décidé de réaliser routes, ports, ponts, aéroports ou métro. Le premier, aidé par une manne pétrolière extraordinaire ; le second, par des emprunts internationaux ayant rencontré un vif succès. Les exemples sont légion en matière de réalisation d’infrastructures dans ces deux pays, mais quelques-uns retiennent l’attention. Parmi eux, celui du métro d’Alger, dont le chantier, après une quinzaine années de travaux au ralenti, a pris son réel démarrage en 2006. Alors que l’inauguration du premier tronçon devrait intervenir en 2009, une extension a déjà été validée et attribuée. Toujours en matière de transport urbain, le tramway d’Oran est lui aussi sur les rails. Autres symboles : le port de Tanger-Med, au Maroc, dont une partie a été inaugurée à la mi-2007 et qui devrait, à terme, être l’un des tout premiers ports africains, ou encore la construction d’un nouvel aéroport en Tunisie, à Enfidha, dont la concession a été attribuée en 2007. Enfidha qui devrait également bénéficier d’un port en eau profonde, l’un des plus grands projets du pays.
Les constructions aux abords des grandes villes sont telles que leur aspect change constamment. Ainsi, au Maroc, la zone urbaine de Rabat-Salé profitera d’un immense chantier d’aménagement, dont celui de la Vallée du Bouregreg, pour plusieurs milliards de dollars ; un tramway devrait circuler entre les deux villes. La côte casablancaise est elle aussi en train de connaître une profonde modification, avec la réalisation d’une marina près de la mosquée Hassan II. Depuis Casablanca, une autoroute permet désormais de rallier Marrakech en moins de deux heures et Tanger en cinq heures. D’autres projets routiers sont en cours – notamment le long de la côte méditerranéenne marocaine – ou devraient bientôt être lancés, comme celui qui permettra de rejoindre Agadir depuis Marrakech. Des pays maghrébins, le Maroc est celui qui rassemble le mieux les trois composantes clés du boom de la construction : infrastructures, habitat et tourisme. En témoigne la construction, dans le cadre du Plan Azur et désormais au-delà, de quelques « mégalopoles » touristiques, pour plusieurs milliards de dollars Mais la fièvre gagne aussi les pays voisins, portés notamment par la pression grandissante des investisseurs émiratis qui déversent des milliards de dollars sur l’Afrique du Nord. Tunis a ainsi posé, fin 2007, la première pierre du Tunis Sport City, un complexe sportif de 5 milliards de dollars entrepris par l’émirati Bukhati.

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En Algérie, le BTP représente désormais 8 % du PIB
Au final, le BTP est devenu l’un des moteurs de la croissance dans les pays d’Afrique du Nord. C’est le cas, sans surprise, dans une Égypte en chantier, où le BTP, bien qu’il représente un peu moins de 5 % du PIB, a connu une croissance d’environ 15 % par an en 2006 et 2007. Au Maroc, la construction est l’un de secteurs qui a permis l’an dernier de sauver le PIB, plombé par de très mauvaises récoltes agricoles. Si le poids de la construction reste plus modeste en Tunisie, dont la croissance est davantage portée par le secteur des services, l’Algérie voit en revanche croître d’année en année l’importance du secteur des BTP, qui pèse désormais 8 % du PIB.
En 2005, la filière a enregistré une croissance de 11 %, qui n’a pas décéléré depuis et a des conséquences directes sur les matériaux de construction, dont le ciment, que la plupart des pays d’Afrique du Nord, mis à part l’Égypte, ne parviennent pas à fournir en quantité suffisante. Ainsi, en Algérie, où la production de ciment frôle les 15 millions de tonnes, on estime qu’il en faudra le double dans quelques années pour répondre à l’explosion de la construction. Des investissements massifs s’opèrent dans ?ce domaine (lire l’article page 132), tout comme au Maroc, où la consommation de ciment a augmenté de 25 % depuis 2000, pour dépasser les 11 millions de tonnes par an. De nombreux projets de nouvelles cimenteries ou d’augmentation des capacités existantes devraient permettre de doubler la production. La réalisation de trois nouvelles cimenteries avait été autorisée en Tunisie fin 2006 afin de booster une production nationale qui s’élève à quelque 7 millions de tonnes. C’est moins que le volume exporté par l’Égypte (8 millions de tonnes), qui, avec 38,5 millions de tonnes produites en 2006, est l’un des tout premiers exportateurs mondiaux. Mais, même en Égypte, la production n’a pas suffi à endiguer les effets de l’explosion de la consommation et l’envolée des cours mondiaux et, comme partout au Maghreb, le prix du ciment s’y est envolé.

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