Cohabitation à haut risque

Publié le 31 mars 2008 Lecture : 2 minutes.

L’ambiance, le 25 mars à Islamabad, pendant la cérémonie de prestation de serment du nouveau Premier ministre désigné par le Parti du peuple pakistanais (PPP), augure d’une cohabitation houleuse avec le chef de l’État. Tandis que ce dernier affectait un air martial, Youssouf Raza Gilani s’en est tenu au strict minimum protocolaire : rien, pas un regard, pas un sourire à l’adresse de Pervez Musharraf. Il est vrai qu’il lui doit un séjour de cinq ans derrière les barreaux. Sans jugement, bien sûr
Gilani est né en juin 1952 à Karachi, mais sa famille de riches propriétaires terriens est originaire du Pendjab. Après des études universitaires au Pakistan et au Royaume-Uni, il entre en politique et se fait élire député à cinq reprises. Il rejoint le PPP et, très vite, devient l’un des lieutenants de feu Benazir Bhutto. De 1988 à 1990, il est membre de son premier gouvernement. Trois ans plus tard, il accède au perchoir de l’Assemblée : il est désormais l’une des personnalités politiques pakistanaises les plus en vue.
En 1999, le général Musharraf renverse par les armes le gouvernement civil de Nawaz Sharif. Une cabale judiciaire est lancée contre le président de l’Assemblée. Gilani se retrouve en prison en compagnie d’Ali Asif Zardari, le mari de Benazir, qui, après l’assassinat de cette dernière, lui succédera à la tête du PPP. Cette amitié a-t-elle joué un rôle dans sa désignation comme Premier ministre ? Sans doute, mais pas déterminant. Car Gilani a d’autres atouts dans son jeu.
L’influence politico-religieuse exercée par sa famille, ses talents de négociateur et son statut de victime de la dictature militaire lui valent une considération unanime dans la classe politique et jusque chez les islamistes. Autre atout : Multan, son fief électoral, est situé au Pendjab, où la Ligue musulmane pakistanaise (LMP), du frère ennemi Nawaz Sharif, est toute-puissante. Face à Musharraf, les deux vainqueurs des législatives du 18 février ayant décidé de mettre une sourdine à leur vieille rivalité, le choix de Gilani s’imposait : il est l’interface idéale.
Reste que le fauteuil de Premier ministre aurait dû normalement échoir au chef de la première formation politique du pays. Cela n’a pas été le cas parce que Zardari n’est pas un élu. Or cette lacune sera sans doute comblée après l’élection partielle qui aura lieu dans le Sind, en mai. Une fois élu, exigera-t-il de Gilani qu’il lui laisse la place ? En chur, les deux hommes jurent qu’il n’en sera rien et que le Premier ministre ira au terme de son mandat de cinq ans. Mais en politique, rien n’est jamais sûr. Et au Pakistan moins qu’ailleurs.

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