Casablanca, sans limites…

Publié le 31 mars 2008 Lecture : 2 minutes.

Il y a un peu plus de dix ans déjà, l’Institut français de Casablanca et les éditions Le Fennec avaient projeté d’éditer un imposant ouvrage ayant pour objet d’exposer les différentes facettes de la capitale économique du Maroc. Il s’agissait d’évoquer souvenirs et témoignages de cette métropole, de rappeler ses histoires multiples, de les confronter aux perspectives de son avenir et de célébrer la cité d’hier et d’aujourd’hui dans le mouvement même de son devenir, sous les regards croisés d’écrivains et de photographes qui apporteraient, chacun, une pièce venant s’imbriquer dans une espèce de puzzle géant.
On n’avait alors pas lésiné pour maîtriser le monstre et composer une fresque éditoriale à sa mesure : des Marocains, écrivains d’immense talent, comme Driss Chraïbi et Mohamed Zafzaf, ou poètes célèbres, comme Mohammed Bennis et Mostafa Nissabouri, des Français devenus marocains d’adoption comme Michel Chaillou, ou « natifs de Casa », comme Tito Taupin et Jean-Michel Zurfluh, et bien d’autres encore avaient calé leurs récits sur des images souvent inédites de jeunes photographes qui savaient capter la mémoire et l’énergie de cette ville mais aussi l’épier, l’écouter et la suivre dans ses recoins les plus inattendus.
Eh bien, ce livre ne s’est pas fait, du moins pas sous sa forme attendue : comme Gulliver arrachant les fils des Lilliputiens qui tentent de l’immobiliser dans leurs rets, la Maison blanche – Dar el-Beida – s’est rebellée, refusant de se laisser emprisonner sous une reliure unique. Le volume de ce récit pluriel – Casablanca, fragments d’imaginaire – a volé en éclats, prenant la forme d’une douzaine de fascicules vivant chacun sa vie, qui au Maârif, qui au port, qui dans la cité des Habous, dans le bidonville de Sidi Moumen ou sur les traces du Protectorat.
Aujourd’hui comme hier, qu’il s’agisse de sa représentation ou de son existence tumultueuse, Casablanca ne se laisse pas davantage capturer. Il n’est que la mer, dominée par le minaret de la mosquée la plus haute du monde, dont les vagues cognent le rivage en des assauts furieux, qui sache la contenir. De l’autre côté de la ville, vers l’intérieur, le boulevard périphérique, bouillonnant de trafic, est un fossé en fusion qu’on aurait creusé comme une frontière illusoire, franchie, quand un pont construit récemment ne l’enjambe pas, par des cohortes héroïques d’enfants poussant leurs vélos, de femmes relevant leurs djellabas par-dessus les clôtures et de trompe-la-mort narquois qui se glissent sur la chaussée, parmi les poids lourds lancés à pleine vitesse.
C’est à cette absence de limites – topographiques mais aussi démographiques, climatiques, de poussières et de pollution, ou financières, accueillant les fortunes les plus clinquantes comme les détresses extrêmes – que l’exploration de ce « Plus » vous invite. Une plongée dans le débordement permanent d’une mégapole qui fascine en même temps qu’elle inquiète, avec ses avenues rectilignes et ses faubourgs inextricables, dont l’ombre livre refuge à de bien dangereuses créatures

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