Un nouveau départ

Soutien de la population, des syndicats et des partis politiques… le chef de l’État a toutes les cartes en main.

Publié le 2 avril 2003 Lecture : 3 minutes.

L’heure est aux retournements d’alliances. Arrivés à Bangui dès le 19 mars, soit quatre jours après le putsch du général Bozizé, les soldats tchadiens ont largement contribué à y rétablir l’ordre. Les troupes honnies par le précédent régime ont même été accueillies avec soulagement par la population de la capitale, terrorisée par les pillages. Durant les heures qui ont suivi le coup d’État, l’agglomération a bien failli sombrer dans le chaos. Aujourd’hui, elle reprend vie peu à peu. Les banques ont rouvert leurs portes, et la radio nationale a repris ses programmes. Bref, Bangui a retrouvé son activité, sous l’efficace surveillance des quelque 400 militaires dépêchés par N’Djamena.
Compte tenu des relations conflictuelles que le président Déby entretenait avec son homologue Patassé, on comprend qu’il n’ait pas voulu manquer l’occasion d’asseoir Bozizé dans son fauteuil. Le Tchad avait accueilli le général mutin lorsqu’il avait fui Bangui en novembre 2001. Et, la même année, l’intervention d’un contingent libyen, venu prêter main forte au régime centrafricain face à la tentative de putsch d’André Kolingba, avait fortement déplu à Idriss Déby. La présence tchadienne n’a donc rien d’inattendu. Si les ennemis d’hier sont aujourd’hui les plus sûrs alliés de Bangui, les amis de Patassé sont, eux, devenus suspects : « Nous avons des informations sur le retour [à Bangui] de rebelles congolais de Jean-Pierre Bemba, expliquaient peu après leur arrivée les gradés tchadiens. Par conséquent, nous avons pris les devants afin d’annihiler toute tentative de déstabilisation de ce pays frère. »
Patassé en exil, les Libyens repartis, le président du Mouvement de libération du Congo (MLC) se retrouve isolé face aux hommes de Bozizé, que ses troupes ont violemment combattus lorsqu’ils étaient dans le maquis. Après avoir volé par deux fois au secours d’Ange-Félix Patassé (en mai 2001 et en octobre 2002), Bemba nourrit de bien compréhensibles appréhensions à l’endroit du nouvel homme fort de Bangui. Et le met en garde « contre toute tentative de déstabilisation ».
Malgré cet avertissement, l’isolement de Bemba n’a pas manqué de susciter un rapprochement entre Bangui et Kinshasa, qui se sont découvert un ennemi commun. Une semaine après son putsch, Bozizé recevait la visite du ministre congolais des Affaires étrangères, Léonard She Okitundu. Il était porteur d’un message du président Joseph Kabila, visiblement satisfait des intentions de normalisation affichées à Bangui. Alors que Patassé avait misé sur l’axe Tripoli-Gbadolite, Bozizé s’abrite derrière la protection très légaliste du tandem N’Djamena-Kinshasa. Ce qui prive le MLC d’une base arrière (pourtant) indispensable. Mais Bozizé pourra-t-il respecter la parole donnée à Kabila ou sera-t-il obligé, lui aussi, d’entretenir des relations « coupables » avec son remuant voisin, le chef du MLC ?
À Bangui, ces retournements d’alliances sont qualifiés de simple normalisation. Sur le plan diplomatique, la Cemac se félicite de voir la Centrafrique, suspectée d’alliance avec Kadhafi, revenir dans son giron. Les mesures prises par François Bozizé en matière de politique intérieure se veulent également rassurantes. Certes, la Constitution a été suspendue et l’Assemblée nationale dissoute. Mais cette reprise en main se veut toutefois moins musclée qu’elle n’en a l’air. Sur le plan social, Bozizé joue avec une certaine adresse la carte du consensus. Pour l’heure, il a déjà le soutien des autorités religieuses et des forces syndicales. Enfin, la nomination du professeur Abel Goumba au poste de Premier ministre est venue parachever le retour au calme en s’assurant le ralliement de plusieurs partis politiques, et la bienveillance des capitales voisines, où Goumba est loin d’être inconnu.

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