Tour de chauffe

Les législatives ont permis aux partis de tester leur popularité avant la présidentielle.

Publié le 2 avril 2003 Lecture : 4 minutes.

Les Béninois vivent au rythme des élections depuis quatre mois. Le 30 mars, ils ont voté pour élire leurs nouveaux députés. Le 15 décembre 2002 et le 19 janvier dernier, ils étaient conviés à désigner leurs conseillers communaux et municipaux.
Pour Mathieu Kérékou, Nicéphore Soglo, Adrien Houngbédji, Bruno Amoussou et Séfou Fagbohoun, les ténors de la vie politique du pays, les législatives sont l’occasion de tester une nouvelle fois leur cote de popularité. Pour la majorité des 1 162 candidats, l’objectif, plus prosaïque, est de décrocher l’un des 83 sièges de l’Hémicycle.
Pour la « mouvance présidentielle », l’objectif est de permettre au président Kérékou de gouverner tranquillement jusqu’au terme de son mandat en 2006. C’est la tâche qui incombe à l’Union du Bénin du futur (UBF), coalition de différents partis progouvernementaux coordonnée par le ministre d’État Bruno Amoussou. L’UBF avait remporté 62 % des sièges de conseillers municipaux lors des élections locales.
Les couleurs de l’opposition sont portées par la Renaissance du Bénin (RB) de l’ancien président et tout frais émoulu maire de Cotonou, Nicéphore Soglo, et par le Parti du renouveau démocratique (PRD) d’Adrien Houngbédji, le président de l’Assemblée nationale sortante et nouveau premier magistrat de Porto-Novo. Pour eux, il s’agit d’obtenir le maximum de députés pour gêner aux entournures Kérékou… et son dauphin présumé en 2006, Bruno Amoussou. Ce dernier a d’ores et déjà éloigné plusieurs caciques de la mouvance présidentielle des listes de l’UBF. Provoquant grincements de dents et « transhumances » vers d’autres partis.
Mais le véritable enjeu, c’est l’élection présidentielle dans trois ans. La limitation à deux du nombre de mandats successifs frappe Kérékou de même que la limite d’âge, fixée à 70 ans aux termes de la Constitution, écarte Soglo né en novembre 1934. Le nouveau Parlement pourra décider d’une révision de la Loi fondamentale qui ferait sauter ces verrous. Le parti de Houngbédji a déjà fait savoir qu’il s’opposera à toute tentative de cette nature, sans doute parce que son champion, 61 ans, est considéré comme le mieux placé en l’absence de Kérékou et de Soglo. Il n’est pas cependant sûr que le PRD sera suivi, le moment venu, par la RB, son allié du moment dans l’opposition.
Et puis, il y a les autres formations politiques et les atavismes régionaux qui vont jouer. Car les partis béninois ont chacun leur base régionale. Le nord du pays s’est toujours montré fidèle à Kérékou, l’enfant du pays. Ceux qui sont fortement implantés dans cette région se retrouvent dans la coalition UBF. Au sein de l’UBF, il y en a d’autres, non estampillés « Nord », qui comptent apporter au régime en place les voix de leurs fiefs locaux respectifs. C’est le cas de la formation politique de Bruno Amoussou, originaire du sud-ouest du pays.
Au Centre et dans une grande partie du Sud, c’est le parti de Soglo qui tient la corde. Idem dans la ville de Cotonou gérée par l’ancien président depuis deux mois. Dans le Sud-Est, c’est le PRD du maire de Porto-Novo, Houngbédji, qui mène traditionnellement la danse. Même s’il est défié sur son terrain par le Mouvement africain pour la démocratie et le progrès (Madep) de l’autre fils de la région, l’homme d’affaires Séfou Fagbohoun. Tout en étant pro-Kérékou, il a refusé de se fondre dans la coalition UBF et présenté ses propres candidats aux législatives.
Le Madep est devenu en peu de temps une machine électorale, dopée par le portefeuille de Séfou Fagbohoun. Parce que, ici comme ailleurs, l’argent est le nerf de la guerre. Ainsi, enrôlés par l’UBF, nombreux sont les « nouveaux riches » qui montent à l’assaut de l’Assemblée nationale pour une consécration politique. Aux dernières municipales, un jeune homme d’affaires prospère, Rachidi Gbadamassi, a enlevé la mairie de Parakou, la « capitale du Nord », face à des personnalités historiques du coin. Il a conduit la liste de la coalition présidentielle pour les législatives dans la même localité. L’opinion publique ne voit pas d’un bon oeil l’entrée en politique de ces jeunes « Sans Profession Fixe » (SPF). Ils touchent un peu à tout, avec une fulgurante et intrigante réussite.
À part l’obscure activité de SFP et le trafic de voitures « venues de France », on ne connaît pas de fonction plus sûre (quatre ans garantis) que celle d’« honorable député » dans la vigoureuse démocratie béninoise. Si les Béninois, dans leur majorité, continuent à constater que « la démocratie, ça ne se mange pas », certains ont compris qu’elle peut faire oublier les problèmes de fin de mois. En 2001, les parlementaires ont voté la revalorisation de leurs émoluments. S’ajoutent à la rémunération brute de 525 416 F CFA une prime d’installation, la couverture médicale, la prime vestimentaire, l’hébergement, les frais de sessions et des travaux en commission, les frais de déplacements à l’intérieur et à l’extérieur du pays (classe affaires en avion)…

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires