Sénélec cherche repreneur
L’État veut toujours privatiser la compagnie nationale d’électricité. Mais pas à n’importe quel prix.
Le 19 mars 2003, le président Abdoulaye Wade, parlant de la Société nationale d’électricité du Sénégal (Sénélec), a été on ne peut plus clair : « Je ne privatise pas pour privatiser. » Autrement dit, la compagnie étatique ne sera pas bradée. En mars 1999, sous le régime socialiste d’Abdou Diouf, elle avait été donnée en concession à un consortium franco-canadien composé d’Hydro-Québec International et d’Elyo France. En septembre 2000, l’équipe d’Abdoulaye Wade, arrivé au pouvoir, l’avait renationalisée, arguant du fait que l’alliance franco-canadienne n’avait pas respecté les termes du contrat. Par la suite, le groupe Vivendi Environnement, associé à l’Office national d’électricité (ONE) du Maroc, puis l’entreprise américaine AES s’étaient déclarés candidats à la reprise de la Sénélec, avant de jeter l’éponge, en février et mars 2002.
Depuis, la Sénélec se débat dans une crise aiguë et cherche désespérément un repreneur. Mais pour le gouvernement sénégalais, il n’est pas question de la vendre à n’importe quel prix. D’autant que, depuis le début du mois de mars, sa production a augmenté de 30 mégawatts (MW) grâce à une enveloppe publique de près de 12,5 milliards de F CFA (19 millions d’euros), consacrée à la centrale thermique du cap des Biches, à près de 25 kilomètres de Dakar.
Le ministre de l’Énergie, des Mines et de l’Hydraulique, Macky Sall, s’est réjoui de ce nouvel investissement. Le gouvernement, a-t-il révélé le 18 mars, prévoit également la construction d’une centrale d’une capacité de 60 MW qui devrait voir le jour en 2004, pour un coût de 50 milliards de F CFA. Ce n’est pas tout : la Sénélec devrait pouvoir tirer un énorme bénéfice financier des ventes de l’électricité provenant du barrage hydroélectrique de Manantali, situé sur le fleuve Sénégal. Un barrage dont il partage l’exploitation avec le Mali et la Mauritanie et qui offre au Sénégal une production supplémentaire de 60 MW, soit la totalité du quota qui lui est réservé sur le site.
Pour toutes ces raisons, plaide le gouvernement, la Sénélec est redevenue attrayante pour des acquéreurs potentiels. D’où la nécessité de ne pas précipiter sa privatisation. Optimiste, Macky Sall a déjà annoncé la fin des délestages, ces coupures d’électricité effectuées alternativement dans certaines zones du pays, en raison de la faible capacité de production. « La Sénélec dispose d’une production de 450 MW alors que la pointe de la demande est de 280 MW, explique- t-il. Mais le réseau de distribution reste encore très en deçà des attentes des consommateurs en matière de service. C’est notre prochain combat. »
Les bailleurs de fonds – le Fonds monétaire international principalement – continuent toutefois d’exiger la privatisation de la Sénélec. Pour le FMI, l’entreprise est tout simplement devenue un gouffre financier. En 2001, les autorités sénégalaises lui avaient alloué une subvention de 40 milliards de F CFA pour qu’elle améliore son parc énergétique et rénove ses installations. L’objectif étant, à terme, d’assurer une meilleure distribution de l’énergie. Mais les résultats escomptés n’ont pas été au rendez-vous, et les bailleurs de fonds veulent surtout que la Sénélec procède à des réaménagements tarifaires. Or le pouvoir, pour des raisons politiques et sociales évidentes, s’est jusqu’ici montré réticent à décider une hausse des prix, outre celle de 10 % survenue en février 2002. Dakar mise plutôt sur un accroissement de la productivité, une réduction des coûts de production et un meilleur recouvrement des recettes de la société.
Quoi qu’il en soit, la vente de la compagnie nationale – les deux parties en conviennent – se fera. Un nouvel appel d’offres est annoncé pour les semaines à venir, et la privatisation sera effective au plus tard à la fin de l’année 2003. L’État penche plutôt pour une concession à des partenaires locaux ou, à défaut, pour une présence importante de capitaux privés sénégalais. Ce qui est loin d’être acquis. D’autant qu’une nouvelle donne est venue brouiller les cartes : la guerre contre l’Irak. Les prix des produits pétroliers ont en effet une incidence directe sur la production de l’énergie. Si le conflit devait durer au point de faire flamber les prix du brut sur le marché international, le gouvernement serait obligé d’injecter encore quelque 18 milliards de F CFA à la Sénélec. Ultime coup de pouce financier dont il se serait bien passé.
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