Sans tabous

Une minute de soleil en moins, de Nabil AyouchBrève traversée, de Catherine Breillat

Publié le 2 avril 2003 Lecture : 2 minutes.

> L’unité Fictions de la chaîne culturelle franco-allemande Arte, dirigée par le très entreprenant Pierre Chevalier, a déjà produit plusieurs collections de films sur un thème particulier. Réalisés avec les moyens de la télévision, ces longs-métrages ont souvent acquis la « dignité » d’oeuvres de cinéma incontestables. Rappelons que c’est pour les séries « L’an 2000 vu par… » et « Regards noirs » qu’Abderrahmane Sissako, lauréat du dernier Fespaco, a réalisé en 2000 et 2002 les magnifiques La Vie sur Terre et Heremakono.
Jusqu’à la mi-avril, les téléspectateurs d’Europe et d’Afrique qui reçoivent Arte pourront découvrir une série de dix films inédits sur le thème : Masculin/Féminin. Parmi les réalisateurs qui ont tenté l’aventure, la sulfureuse Catherine Breillat, auteur de longs-métrages érotiques qui ont suscité des polémiques comme Romance X ou Sex is comedy. C’est d’elle qu’on attendait une oeuvre particulièrement osée. Pourtant, son superbe film, Brève traversée, qui raconte la découverte de l’amour physique par un jeune garçon « initié » lors d’un voyage en ferry-boat, n’offre rien de très dérangeant.
En revanche, le réalisateur marocain Nabil Ayouch ne risque pas de passer inaperçu avec Une minute de soleil en moins, diffusé le 16 avril sur Arte. La seule perspective de montrer ce film en salles dans le royaume chérifien a provoqué, on le sait, une levée de boucliers (cf. J.A.I. n° 2199).
Sans nous prononcer sur les risques de « troubles à l’ordre public » invoqués à Rabat, on peut affirmer que le film, s’il comporte des scènes très osées, n’est en rien pornographique. Et, surtout, qu’il perdrait beaucoup de son intérêt s’il était amputé des plans qu’on lui reproche. Car ce polar complexe racontant l’enquête d’un policier sur un meurtre commis à Tanger, avec en toile de fond le trafic de drogue, ne doit son originalité qu’à son approche des rapports homme-femme. Nabil Ayouch s’interroge sur la confusion des genres dans une société machiste et tire toutes les conséquences – y compris sexuelles – d’un éventuel renversement des positions masculines et féminines au Maghreb.
Le film privilégie une esthétique qui emprunte souvent plus à la publicité qu’au septième art. Ce n’est sans doute pas le meilleur de son jeune réalisateur. Mais parce qu’il s’attaque à un sujet tabou dans le monde arabe, il dérange, dans le meilleur sens du terme, en posant des questions délicates. À ce titre, il serait bien dommage qu’il ne puisse être vu par les spectateurs les plus concernés. Faisons confiance aux paraboles…

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