Préméditation

Cela faisait plus d’un an que Donald Rumsfeld et Tommy Franks planchaient sur un plan opérationnel destiné à en finir avec Saddam.

Publié le 2 avril 2003 Lecture : 3 minutes.

Rétrospectivement, les longues semaines consacrées par l’administration américaine à tenter de convaincre le Conseil de sécurité des Nations unies de donner sa caution à la guerre apparaissent pour ce qu’elles furent : un vaste exercice de bluff au sein duquel la mission des inspecteurs en désarmement était par avance condamnée à l’échec. Ce constat cynique apparaît nettement à la lecture de l’enquête publiée le 24 mars dans le Washington Post sous la signature du très informé Bob Woodward.
La décision définitive d’attaquer l’Irak pour en finir avec Saddam Hussein a été prise entre décembre 2001 et janvier 2002, essentiellement par trois hommes : le président George W. Bush, le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld et le chef du Commandement central le général Tommy Franks. Pendant un an, Rumsfeld et Franks ont planché sur des plans de guerre sans cesse modifiés, tant leur désaccord opérationnel était au départ profond. Franks souhaitait l’emploi d’une force terrestre et aéronavale la plus large possible – jusqu’à cinq cent mille hommes – alors que Rumsfeld privilégiait l’utilisation de troupes d’élite et de commandos en nombre beaucoup plus restreint. Le patron du Centcom exigeait quinze jours de frappes aériennes préalables au minimum, alors que le secrétaire d’État estimait que quarante-huit heures suffiraient. Ce n’est qu’au début du mois de septembre 2002 que les deux hommes ont pu présenter ensemble un plan crédible au président Bush l’« OPlan 1003 V ». Restait à en régler les détails et surtout à déployer la task force nécessaire aux frontières de l’Irak.
Officiellement destinés à donner à Saddam Hussein une dernière chance d’éviter la guerre en se laissant désarmer pacifiquement, les six mois qui ont suivi ont en fait permis à l’US Army de préparer une offensive que George W. Bush n’a jamais songé à annuler – et ce, quels que fussent les résultats des inspections. À preuve, raconte Woodward, des unités des forces spéciales américaines, britanniques et australiennes ont pénétré en Irak le mercredi 19 mars à 21 heures (13 heures, heure de Washington), soit sept heures avant la fin de l’ultimatum lancé par Bush à Saddam. Ce même jour, à 15 h 30 (heure de Washington), le directeur de la CIA George Tenet se précipitait à la Maison Blanche, porteur d’une information ultraconfidentielle pour le président. Ses services, sur la base de renseignements qui leur auraient été fournis par un membre de l’entourage proche de Saddam Hussein, avaient, selon lui, localisé avec précision le lieu où se trouvait le raïs, ses deux fils et plusieurs membres importants de la direction irakienne, dont Taha Yassin Ramadan et Izzat Ibrahim el-Douri. George Bush suscite alors une réunion d’urgence à laquelle participent Dick Cheney, Condoleeezza Rice, Colin Powell, les généraux Franks et Myers, et bien sûr George Tenet.
Pendant trois heures, dans le Bureau ovale, l’équipe Bush discute de l’opportunité de mener ce bombardement dont les résultats, s’ils sont couronnés de succès, peuvent être inespérés. Tout est examiné, y compris la légalité de cette attaque ciblée. Quelques heures plus tard, deux avions furtifs F-117 A lâchent des bombes de précision sur le complexe des fermes de Dara, dans la banlieue sud de Bagdad, où Saddam et ses proches sont censés tenir une réunion. Ce premier raid est suivi un peu plus tard d’une volée de missiles Tomahawk tirés depuis le golfe Persique. Si Saddam Hussein, son fils Qossaï, Taha Yassin Ramadan et quelques fidèles se trouvaient bien à cette minute dans le bunker de Dara, ils ont survécu. Ce premier acte de la guerre américaine a-t-il fait d’autres victimes ? On l’ignore. Le lendemain, le général Franks donnait à ses hommes l’ordre d’envahir l’Irak. Objectif : Saddam.

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