Opacité totale en Angola

Publié le 2 avril 2003 Lecture : 2 minutes.

Les trois quarts de sa population vivent avec moins de 2 dollars par jour. Pourtant, l’Angola est un pays riche. Sa production pétrolière devrait atteindre 1 million de barils par jour cette année. Ses réserves offshore sont gigantesques, et sa balance commerciale se porte bien : ses exportations de brut dépassent 6 milliards de dollars.
Reste que la comptabilité publique souffre de l’opacité la plus totale. Réclamant des mesures de transparence, le Fonds monétaire international (FMI) a rompu ses relations avec Luanda en juillet 2001. Selon l’ONG Global Witness, entre 1 milliard et 3 milliards de dollars – plus du tiers des revenus annuels de l’État – manquaient dans les caisses à l’issue de l’exercice 2001.
Les redevances pétrolières (impôts et royalties) constituent la partie émergée de l’iceberg, puisqu’elles sont inscrites dans les contrats de partage de production. En revanche, les bonus payés par les compagnies pour l’octroi de permis d’exploration et d’exploitation, pudiquement qualifiés de primes exceptionnelles non remboursables (one-off payments), qui garantissent leurs droits sur les concessions acquises, n’apparaissent pas dans la comptabilité publique. Ils passent par des circuits parallèles, notamment par la Banque nationale d’Angola, la compagnie Sonangol et la présidence de la République. Derrière ces versements, une pléiade d’acteurs – membres du gouvernement, hauts fonctionnaires, officiers de l’armée angolaise – se répartissent les rôles. Avec les majors occidentales pour interlocuteurs.
En juin 1999, l’attribution des lots 31 (BP-Amoco), 32 (Elf) et 33 (Exxon-Mobil) en offshore très profond a révélé l’ampleur des sommes mises sur la table par les opérateurs. Global Witness estime que les consortiums pétroliers ont payé des bonus d’un montant total d’environ 870 millions de dollars, alors que ce type d’opération se chiffre généralement à moins de 100 millions de dollars. Plus précis, le cabinet Wood Mackenzie évalue à 400 millions, 250 millions et 350 millions de dollars les montants versés respectivement pour les blocs 31, 32 et 33. Une somme équivalant à plus de 20 % du budget national de 1999 a été collectée puis dépensée, sans trace comptable officielle.
Ce type de contrat donne lieu à des associations sulfureuses. Aux côtés de majors, des petites compagnies rejoignent le consortium formé autour de chaque bloc. Certains jouent un rôle de lobbying auprès des dirigeants du pays, et servent souvent de jokers aux multinationales qui luttent pour l’octroi d’une concession. Exxon, qui détenait 45 % des parts dans le lot 33 lors de son adjudication, comptait parmi ses partenaires la société Falcon Oil (15 %), atteste Global Witness. Basée en Virginie, Falcon Oil avait pour actionnaire principal le Brésilien Pierre Falcone, poursuivit depuis par la justice française dans une affaire de trafic d’armes. Falcone serait intervenu dans des contrats d’armement pour le compte du gouvernement de l’Angola. Et il aurait reçu ses parts dans le bloc 33 comme paiement en nature du gouvernement qui ne disposait pas du cash nécessaire pour honorer ses dettes.

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