Mésentente cordiale au Mouvement des Démocrates Socialistes

Toutes les tentatives de réconciliation sont restées vaines : le plus important parti d’opposition n’en finit pas d’étaler ses divisions.

Publié le 2 avril 2003 Lecture : 3 minutes.

Lancé au mois de juin 2002 (J.A.I. n° 2163), le processus de réconciliation au sein du Mouvement des démocrates socialistes (MDS), le principal parti de l’opposition légale en Tunisie, n’a enregistré aucun progrès notable. Signe de ce blocage : aucune date n’a été fixée pour la tenue du congrès extraordinaire, censé sceller la réunification. Ismaïl Boulahya, le secrétaire général, justifie son refus par les difficultés auxquelles se heurte la « commission de réconciliation » pour établir les listes des militants, redistribuer les cartes d’adhésion et renouveler les structures régionales du parti (sections et fédérations). En attendant, le MDS, qui, depuis sa fondation en 1978 fut longtemps à l’avant-garde de l’opposition démocratique tunisienne, est en train de perdre ses forces vives au profit d’autres formations, plus jeunes et, surtout, plus crédibles.
La crise au sein du MDS a éclaté en octobre 1995, après la diffusion par Mohamed Moada, son président d’alors, d’un pamphlet contre le régime, dont il était pourtant, jusque-là, un ardent thuriféraire. En février 1996, celui-ci est condamné à onze ans de prison ferme pour intelligence avec un pays étranger et… trafic de devises. En 1997, à l’issue d’un congrès extraordinaire très controversé, Ismaïl Boulahya, dernier membre fondateur encore en fonction, est appelé à la barre. Ces assises sont boycottées par les éléments restés fidèles à Moada.
Le nouveau secrétaire général sera réélu quatre ans plus tard. Son second mandat s’achèvera en 2005. « Ce sera le dernier », a-t-il promis. Pour lui, le changement de direction n’est pas un objectif en soi. Et encore moins une priorité. Il est plus urgent de moderniser les structures du parti, de rationaliser ses modes de fonctionnement et de lui insuffler du sang neuf.
Élargi en 1997 après dix-sept mois de détention, Moada refuse de reconnaître la nouvelle direction, selon lui « imposée par le régime ». En juin 2001, il est de nouveau incarcéré, après avoir noué, trois mois auparavant, une alliance avec Rached Ghannouchi, le chef du parti islamiste Ennahdha (qui vit en exil à Londres), et pris position contre une nouvelle candidature (la quatrième) de Zine el-Abidine Ben Ali à l’élection présidentielle de 2004. En mars 2002, il bénéficie d’une grâce présidentielle et, deux mois et demi plus tard, est rétabli dans ses droits politiques et civiques. Le 10 juin, aux côtés de Boulahya et d’autres cadres du mouvement, il annonce une nouvelle « initiative de réconciliation ».
Au cours des mois suivants, l’ancien président n’hésite pas, dans ses déclarations à la presse, à prendre le contre-pied de ses positions antérieures, notamment sur la question de la candidature de Ben Ali. Ces continuelles volte-face finissent par lasser – c’est un euphémisme – nombre de ses partisans, qui en viennent à douter de la sincérité de ses engagements passés. Mais Moada n’en a cure et continue de manoeuvrer pour reprendre les rênes du MDS.
Cadre du Parti socialiste destourien (PSD), l’ancien parti unique, jusqu’en 1971, membre de la direction du MDS de 1978 à 1992 et président de ce même parti de 1992 à 1995, cet homme d’appareil (il est professeur de linguistique de formation) a besoin de la machine électorale d’un grand parti pour se repositionner sur la scène politique, dans la perspective du scrutin présidentiel de 2004. Or la reprise en main du MDS passe nécessairement par la tenue d’un congrès, que Boulahya et ses partisans refusent d’inscrire sur la liste de leurs priorités.
Bref, les intentions de l’un et de l’autre sont tellement opposées qu’on voit mal comment la « commission de réconciliation », qu’ils coprésident, pourrait réussir à… les réconcilier.

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