Le palmarès des patriarches

Vingt-sept pays à travers le monde sont dirigés par le même homme (ou femme) depuis plus de vingt ans. Parmi eux, neuf africains.

Publié le 2 avril 2003 Lecture : 3 minutes.

Les chefs d’État africains restent-ils plus longtemps au pouvoir que leurs collègues des autres continents ? C’est l’impression que l’on a souvent, et que sont venues renforcer les tentatives menées récemment par certains d’entre eux pour réformer la Constitution de leur pays de façon à briguer un ou plusieurs mandats supplémentaires.
Que disent les chiffres ?
Le tableau ci-contre donne le palmarès de la longévité des chefs d’État (tous systèmes confondus) dans le monde. Évidemment, beaucoup de monarques figurent dans le peloton de tête. La palme revient à un pays asiatique, la Thaïlande, où Rama IX règne depuis plus de cinquante-six ans. Suivent deux souverains européens : Elizabeth II d’Angleterre et Rainier de Monaco. Il n’en reste pas moins que, sur les vingt-sept pays dirigés depuis plus de vingt ans par la même personne, douze ne sont pas des monarchies, neuf d’entre eux étant situés en Afrique. Le doyen de ces patriarches africains n’est autre que le Togolais Gnassingbé Eyadéma, arrivé au pouvoir en janvier 1967. Il est suivi de peu par Omar Bongo, président du Gabon depuis décembre de la même année.
Autre moyen d’évaluation : la répartition par continent des présidents au pouvoir depuis dix ans et plus. Même tendance, ici aussi, puisqu’on trouve dix-neuf Africains (voir le tableau) sur un total possible de cinquante, contre neuf Asiatiques sur trente et un, trois Européens sur trente-cinq, un Américain sur vingt-cinq et un Océanien sur six.
Une précision intéressante : la moitié des pays européens et asiatiques concernés sont des républiques issues de l’ex-Union soviétique. Celles-ci n’ont pas la réputation d’être des modèles de démocratie…
La situation de l’Europe est assez particulière : une majorité de pays sont des monarchies constitutionnelles ou des républiques parlementaires. Dans de tels contextes, ce n’est pas tant l’ancienneté du chef de l’État que celle du Premier ministre qui a une signification politique.
Paradoxalement, la fréquence de l’alternance n’est pas nécessairement un signe de bonne santé démocratique. On l’a vu en France sous la IVe République, de 1946 à 1958, on le voit aujourd’hui encore en Italie.
Les Amériques se distinguent : excepté l’indéboulonnable Fidel Castro, aucun chef d’État n’est en place depuis plus de dix ans. Mieux, sur un total de vingt-cinq présidents, vingt-deux sont au pouvoir depuis moins de cinq ans. La seule année 2002 en a vu arriver huit nouveaux : au Honduras, au Nicaragua, en Argentine, au Costa Rica, en Bolivie, en Colombie, au Brésil et en Équateur.
Par comparaison, l’Afrique a, cette même année, hérité de cinq nouveaux présidents (Zambie, Maurice, Madagascar, Mali et Kenya). En quatre ans, de la fin de 1998 à la fin de 2002, vingt pays ont quand même changé de président (à quoi il faut ajouter l’accession au trône marocain de Mohammed VI, en juillet 1999).
Quoi qu’il en soit, il convient d’analyser ces données avec prudence. Certes, des régimes qui se maintiennent plusieurs décennies, comme l’Afrique en a beaucoup connu jusqu’au début des années quatre-vingt-dix, ont de grandes chances d’être autocratiques. Cuba, à cet égard, apparaît comme l’une des rares survivances d’une époque révolue. Mais des pouvoirs qui ne tiennent que deux ou trois ans, voire quelques mois, comme on l’a vu ces dernières années en Côte d’Ivoire, ne sont pas forcément un indicateur de bonne santé politique.

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