La voix arabe de Londres

Depuis le 11 septembre 2001, la BBC internationale se concentre sur le Moyen-Orient. En attendant d’avoir un correspondant permanent en Irak.

Publié le 2 avril 2003 Lecture : 3 minutes.

La Grande-Bretagne n’était pas, ces temps derniers, le pays favori de Saddam Hussein. Pourtant, la British Broadcasting Corporation (BBC) comptait le leader irakien parmi ses auditeurs. C’est ce qu’a appris Amjad Shalatoni, reporter jordanien pour la BBC en langue arabe, après une interview du doyen des études de journalisme de l’université de Bagdad. À la suite de la diffusion de cet entretien, Saddam Hussein aurait « appelé deux fois ledit doyen pour lui dire qu’il avait apprécié ce qu’il avait dit sur les ondes de la BBC », raconte Shalatoni.
Pour couvrir la guerre en Irak, la BBC Arabic a complètement bouleversé son organisation. Avec 12 millions d’auditeurs chaque semaine, cette radio aujourd’hui âgée de 65 ans est le plus important et le plus ancien des quarante-deux services non anglophones de la BBC World, qui émet dans des langues qui vont du slovaque au tamoul.
Lors d’un bulletin d’information de la mi-journée, au milieu de mars, des journalistes évoquaient la crainte d’un afflux de réfugiés en Turquie et en Jordanie. On a pu entendre l’interview d’un député américain parlant arabe dans les locaux du tout nouveau « Centre presse » de l’ambassade des États-Unis à Londres. Selon Bassam Andari, réalisateur libanais pour la BBC Arabic, l’objectif de cette dernière est de faire entendre une voix impartiale. « Nous sommes très heureux lorsqu’on nous accuse de tous les côtés d’être partisans. Cela veut dire que notre position est équilibrée, affirme Andari. Pour nombre d’auditeurs arabes, la Grande-Bretagne est synonyme de colonialisme. Mais ils se rendent compte que la BBC présente une vision des choses plus impartiale que le gouvernement britannique. »
Kifah Arif, productrice anglaise d’origine palestinienne pour la BBC Arabic, affirme, comme la plupart de ses collègues, avoir sa propre opinion sur l’Irak, mais préférer ne pas la mettre en avant lorsqu’elle travaille.
En tout, plus de 150 millions de personnes écoutent chaque semaine la BBC internationale, dont le budget annnuel – financé par le Foreign Office – s’élève à 296,2 millions d’euros. Aux États-Unis, la version anglaise de la BBC est diffusée sur le satellite et retransmise sur de nombreuses radios publiques locales. La BBC revendique 24 % de parts d’audience à Washington, à New York et à Boston.
Depuis le 11 septembre 2001, les services de la BBC internationale se concentrent sur le Moyen-Orient. Après les attaques terroristes, le budget de la radio en langue arabe a été augmenté de 10 %, pour être porté à environ 10,3 millions d’euros ; tandis que le temps d’émission est passé de dix-huit heures trente à vingt-quatre heures. La BBC Arabic précise que son estimation de 12 millions d’auditeurs n’englobe pas des pays comme l’Irak ou la Libye, où il est bien difficile de mener des études d’audience. Le service totalise soixante-dix employés, y compris le personnel chargé du site Internet (BBCArabic.com).
La BBC a également renforcé son service basé en Afghanistan et lancé une nouvelle fréquence FM l’année dernière. Parmi ses auditeurs de haut rang, le président Hamid Karzaï lui-même. Une de ses émissions les plus populaires est le feuilleton radiophonique New home, new life, diffusé en pachtoune et en persan (les deux principales langues du pays).
Radio Sawa, station en langue arabe du gouvernement américain, et Radio Monte-Carlo (du groupe Radio France internationale) sont les principaux concurrents de la BBC Arabic. Mais plus centrée sur l’information, la BBC est, selon Hussein Amin, directeur du département média de l’université américaine du Caire, « mieux armée pour mobiliser ses auditeurs en temps de guerre ».
Le service en langue arabe de Radio Monte-Carlo comptabilise 15 millions d’auditeurs, y compris en Irak et en Libye. La vieille radio Sawa (« ensemble » en arabe), quant à elle, ne possède pas d’estimation précise de son audience, mais un porte-parole basé à Washington affirme qu’elle « dispute de nombreux auditeurs » à la BBC. Grâce à des coups d’éclat, comme, par exemple, la diffusion des cassettes vidéo de Ben Laden, la célèbre chaîne de télévision par satellite Al-Jazira est sans doute le média qui concurrence le plus, au Moyen-Orient, la BBC et ses consoeurs.
Le patron de la BBC Arabic, Gamon McLellan, attend de grands changements après la guerre. « Nous espérons pouvoir réaliser ce que nous n’avons pas su faire depuis trente ans : avoir un correspondant permanent en Irak. Bagdad est l’un des centres culturels majeurs du monde arabe. » McLellan sait, également, que la concurrence des médias américains et français sera de plus en plus rude dans les mois à venir. Le service média du gouvernement américain prévoit déjà de lancer, d’ici à un an, une chaîne de télévision par satellite en langue arabe. La bataille a déjà commencé.

© J.A./l’intelligent et le Wall Street Journal 2003. Tous droits réservés.

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