Coupable complaisance

Les leçons de l’affaire du vraquier Number One .

Publié le 2 avril 2003 Lecture : 2 minutes.

Le golfe du Bengale, au large du Sri Lanka, a depuis longtemps avalé les corps de Louis Gomis, Insa Goudiaby, Mamadou Ndong et Mustapha Sané. Ces marins sénégalais étaient à bord du vraquier Number One qui, gorgé d’eau, a coulé le 11 juin 1999 (voir J.A.I. n° 2176), par une nuit de mousson. Ils se sont noyés, comme sept autres marins ukrainiens et le capitaine français Jacques Richardeau. Seuls sept membres de l’équipage ont survécu sur un canot de sauvetage.
Le 18 mars 2003, le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire, en France, a rendu son jugement dans cette affaire. Étaient poursuivis les armateurs français du navire, les frères Raoul et André Spitzer (69 et 66 ans), leur conseiller technique, Jean-Paul Le Coz, et la Nippon Kaiji Kyokai (NKK), société japonaise de classification des navires.
Reconnus coupables, les frères Spitzer écopent chacun de trois ans de prison (dont deux avec sursis), Le Coz de trois ans aussi, mais dont dix-huit mois avec sursis, et la NKK de 225 000 euros d’amende. Les familles des marins sénégalais recevront, en réparation du préjudice subi, 390 000 euros (255 millions de F CFA) au total, celles des marins ukrainiens 690 000 euros, et celle du capitaine 38 000 euros. Les prévenus ont déjà fait appel de la décision.
Selon Me Morinière, l’avocat qui représentait les ayants droit des marins sénégalais, c’est surtout la condamnation de la société de classification NKK qui est importante, car « elle pourrait obliger les organismes de ce type à faire leur travail correctement ». Cette affaire est en effet symptomatique de pratiques malheureusement courantes dans la marine marchande : le navire, âgé de plus de vingt ans et qui naviguait sous pavillon de complaisance de Saint-Vincent-et-les-Grenadines (Caraïbes), avait été acheté pour une bouchée de pain par une société panaméenne, elle-même contrôlée par un holding luxembourgeois domicilié en France chez les frères Spitzer, « amateurs armateurs » conseillés par un ancien inspecteur de la sécurité des navires pour le compte du Liberia…
Rafistolé en dépit du bon sens, le vraquier ne pouvait résister longtemps aux contraintes inhérentes au transport de grumes, qui mettent la coque à rude épreuve. Pourtant, la NKK lui avait accordé les certificats nécessaires pour naviguer. Sa condamnation pourrait l’inciter, dorénavant, à des contrôles plus sérieux et plus fiables. Et permettre d’éviter de tels drames.

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