Cioran avoue

Publié le 2 avril 2003 Lecture : 2 minutes.

J’abandonne, jusqu’à la fin de la guerre, l’humour anglo-saxon, car il n’est pas de saison. Et vous propose de méditer sur quelques spécimens de la sagesse grinçante du regretté Cioran (tiré d’Aveux et anathèmes, Gallimard). B.B.Y.

Le meilleur moyen de se débarrasser d’un ennemi est d’en dire partout du bien. On le lui répétera, et il n’aura plus la force de vous nuire : vous avez brisé son ressort… Il mènera toujours campagne contre vous, mais sans vigueur ni suite.

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La tyrannie brise ou fortifie l’individu ; la liberté l’amollit et en fait un fantoche.

Celui qui se survit rate sa biographie. En fin de compte, ne peuvent être tenus pour accomplis que les destins brisés.

« Dieu n’a rien créé qui lui soit plus odieux que ce monde et, du jour où il l’a créé, il ne l’a plus regardé, tant il le hait. » Le mystique musulman qui a écrit cela, je ne sais qui il était, j’ignorerai toujours le nom de cet ami.

Sarvam anityam = tout est transitoire (le Bouddha). Formule qu’on devrait se répéter à toute heure de la journée, au risque – admirable – d’en crever.

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La lucidité : un martyre permanent, un inimaginable tour de force.

Nulle défense possible contre un complimenteur. On ne peut sans ridicule lui donner raison ; on ne peut davantage le rabrouer et lui tourner le dos. On se comporte comme s’il disait vrai, on se laisse encenser faute de savoir comment réagir.

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Si je préfère les femmes aux hommes, c’est parce qu’elles ont sur eux l’avantage d’être plus déséquilibrées, donc plus compliquées, plus perspicaces et plus cyniques, sans compter cette supériorité mystérieuse que confère un esclavage millénaire.

Ayant ouvert une anthologie de textes religieux, je tombe d’emblée sur ce mot du Bouddha : « Aucun objet ne vaut qu’on le désire. » J’ai fermé aussitôt le livre car, après, que lire encore ?

Pour avoir marqué « Rien » à la date qui devait signifier le début de sa perte, Louis XVI est taxé d’imbécillité depuis deux siècles. À ce compte, nous sommes tous des imbéciles : qui de nous peut se targuer d’avoir discerné l’exact commencement de sa dégringolade ?

Avoir frôlé toutes les formes de la déchéance, y compris la réussite.

Il faudrait être aussi peu dans le coup qu’un ange ou un idiot pour croire que l’équipée humaine puisse bien tourner.

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