Camouflet diplomatique

Publié le 2 avril 2003 Lecture : 2 minutes.

Bérézina pour la diplomatie américaine. Le 20 mars, quelques heures après le déclenchement de l’attaque, les États-Unis ont appelé tous les pays reconnaissant le gouvernement de Bagdad à expulser les diplomates irakiens. « Une fois qu’un nouveau gouvernement aura remplacé le régime de Saddam, il nommera des diplomates qui représenteront vraiment les intérêts du peuple irakien au lieu de représenter un régime impitoyable et corrompu », a déclaré le porte-parole du département d’État, Richard Boucher.
Silence poli dans la majorité de la soixantaine de capitales sollicitées. Mais les leaders du camp de la paix ne se sont pas contentés de faire la sourde oreille. La fin de non-recevoir fut cinglante. Le ministère français des Affaires étrangères a fait savoir, dès le 21 mars, par la voix de son porte-parole François Rivasseau, que l’expulsion de diplomates irakiens et la fermeture de la représentation diplomatique irakienne relevaient de sa seule souveraineté. Il a rappelé que l’Irak ne disposait en France que d’une « section d’intérêts », les relations diplomatiques entre les deux pays étant suspendues depuis le 8 février 1991.
À Moscou, Igor Ivanov, le ministre des Affaires étrangères, a été on ne peut plus clair. Il a rejeté la requête américaine, précisant qu’il n’avait reçu aucune réponse de Washington à sa demande de clarification. Pour lui, la demande d’expulsion fait partie d’une « stratégie américaine destinée à piétiner les contrats pétroliers existant entre l’Irak et les compagnies non américaines, en qualifiant d’illégal le régime de Saddam Hussein ».
En Europe, à part le pays de Tony Blair, seule l’Italie de Silvio Berlusconi s’est pliée aux injonctions américaines. Quatre diplomates irakiens ont été expulsés le 23 mars, mais les autorités ont permis au chargé d’affaires de rester à Rome. Le gouvernement espagnol, pourtant allié de l’administration Bush, a annoncé, le 22 mars, qu’il n’avait pas l’intention, pour le moment, de fermer l’ambassade irakienne à Madrid. Le Portugal, qui a accueilli le « conseil de guerre » des Açores, a fait savoir, le même jour, qu’il n’avait pas l’intention de rompre les relations diplomatiques avec Bagdad. Pas plus que l’Allemagne, qui a dit non. Le 20 mars, le ministère des Affaires étrangères de Serbie et du Monténégro avait décidé d’expulser deux diplomates irakiens, mais n’a pas ordonné le départ de l’ambassadeur. Maigre consolation pour Washington.
Dans le monde arabe, seule la Jordanie a paru accéder à la requête américaine, à reculons. Après avoir annoncé l’expulsion de cinq diplomates irakiens, Amman a autorisé deux d’entre eux à revenir pour des raisons « commerciales ». Le ministre de l’Information a indiqué qu’il n’y avait aucun lien entre ces expulsions pour « raisons de sécurité » et la demande de l’administration Bush. Naji Sabri, ministre irakien des Affaires étrangères, a fustigé les autorités d’Amman et rappelé la « généreuse assistance » toujours apportée par Bagdad à son voisin. Dans le reste du monde, l’assaut diplomatique américain n’a remporté aucun succès. Le Pakistan, le Brésil, la Malaisie, le Kenya, la Finlande, les Pays-Bas, la Grèce, la Pologne, entre autres, n’envisagent pas de rompre les relations diplomatiques avec Bagdad.

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